lundi 24 septembre 2012

Le dimanche soir

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Le dimanche soir n'est pas un soir comme les autres.

Le week-end est presque fini et demain la semaine recommence. Déjà, dès cinq ou six heures de l'après-midi, l'esprit est ailleurs. On sent que le temps s'échappe. Un peu fatigué, vaguement déprimé quelques fois, on n'a plus beaucoup d'énergie. On traîne devant la télé ou avec un livre. C'est le soir des plateaux-télé car on n'a pas envie de faire un vrai repas. La veille, quelques fois, on est sorti, et, quelques fois, on a un peu trop mangé ou bu. Alors on met son estomac au vert « Oh, je crois que je n'ai pas très faim, une salade et un petit morceau de fromage, cela suffira ». 

Quand les enfants sont là, on prépare vite un repas avec ce qu'on trouve dans le réfrigérateur, et si on est vraiment courageux, on fait des croque-monsieur. Rien de très compliqué, il faut que cela soit simple et rapide. On ne traîne pas, demain il faudra se lever tôt. Car dans la tête, on est déjà dans sa journée du lundi. On pense à la réunion importante, aux copies qu'il reste à corriger ou au rendez-vous de dentiste du petit dernier. Ce n'est plus vraiment le week-end et ce pas encore la semaine.

Oui, le dimanche soir est vraiment un soir un peu particulier.

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vendredi 14 septembre 2012

Expérience

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Pour la première fois de sa vie, ce soir, elle se sert un verre et boit. Seule. Début de la dégringolade ? 

En fait, elle s'est souvent demandée si un jour elle n'essaierait pas de se mettre à boire. Lors de ces soirées blafardes d'hiver, elle se dit parfois qu'une légère ivresse, avec son euphorie factice, serait peut-être la solution pour chasser les papillons noirs. Mais elle ne l'a jamais fait. Alors ce soir elle a envie d'essayer.

La veille, ils ont eu des invités et il reste un peu de vin blanc au réfrigérateur. Pas n'importe lequel. Mari chéri ne sert jamais n'importe quoi à ses invités. C'est un Meursault. Autant faire bien les choses et commencer avec du bon vin. Mais sa carrière d'alcoolique en chambre débute difficilement. Elle casse le bouchon et bataille avec le tire-bouchon. Elle se sert enfin un verre. Cela lui fait drôle car elle n'a jamais servi à boire, à quelqu'un d'autre et encore moins à elle-même. Puis elle dîne et boit quelques gorgées. Il est un peu piqué. Forcément, il a pris l'air. Malgré cela, il est encore bon. Elle réalise à ce moment qu'en fait, ce n'est pas si agréable que cela, de boire seule. Il manque quelque chose, surement le partage et les rires. Finalement ce n'est pas pour elle. Alors elle ne finit pas son verre et jette le reste du vin (elle ne dira rien à mari chéri). Puis elle prend un carré de chocolat et se fait une tisane. 

Le lendemain matin, le verre vide dans l'évier est le seul témoin de sa carrière d'alcoolique mort-née. Et elle se demande alors ce qui a bien pu lui passer par la tête la veille au soir.

 

 

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lundi 3 septembre 2012

Son premier triathlon

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 Trois mois auparavant.

Sur une idée de son fils aîné, elle s'est inscrite ainsi que l'homme de sa vie à un triathlon découverte* à Gérardmer. Début septembre prochain, ils auront 30 ans de mariage. Ce sera une manière unique de le fêter. Le premier moment de stupeur passé, mari chéri adore l'idée. Il n'a qu'un bref moment d'inquiétude : « Mais je devrai t'attendre ?! ».

Et elle s'entraîne pendant les vacances.

 Jour J-6

Sur le papier l'idée était séduisante... mais elle commence à avoir des noeuds à l'estomac. Qu'est-ce qu'il lui a pris de vouloir faire un truc pareil ?! Elle a regardé sur youtube quelques vidéos. La partie natation est terrifiante. Mille deux cents personnes qui s'élancent ensemble. Elle espère presque être malade afin de pouvoir déclarer forfait. Et puis non, qu'en penserait mari chéri ? et ses enfants ? Sa fille lui a envoyé d'Australie des encouragements : « Your mind will give up ten times before your body will** » et son autre fils lui a dit qu'elle se transcenderait en compétition. Avec de tels coachs elle est blindée. Et qu'est-ce qu'elle risque, après tout ? 


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Jour J-1

Le matin, du balcon de l'hôtel, de l'autre côté du lac, ils regardent le départ de natation du triathlon XL*** que font son fils et un ami. C'est très joli. Un nuage d'éclaboussures en forme de triangle avance dans le lac, on dirait des centaines de papillons avec des bonnets jaunes qui battent des ailes. La pointe du triangle se détache vite car le premier nage comme un avion. On apprend qu'il a fait 13e aux JO de Londres. 

Puis mari chéri et elle vont retirer leurs dossards. Leur course a lieu de lendemain matin. Le stress est à nouveau là. Elle a envie de prendre la fuite. Mais pourquoi stresser ? Ce n'est qu'un sport. Facile à dire… 

Jour J

Il est huit heures du matin, il fait 13°C. Le sable est froid sous les pieds nus. Coup de pistolet. Tout le monde s'élance. C'est la pagaïe, une marée humaine qui fonce vers la bouée qu'il faut virer. Impossible de nager. C'est la panique totale. Elle suffoque. Elle boit la tasse. Un coup de coude envoie voler ses lunettes. Les papillons d'hier ont disparu, elle se sent comme une mouche empêtrée dans une gigantesque toile d'araignée humaine. Elle va se noyer, là, au milieu des nageurs indifférents. Puis elle essaie de faire fonctionner son cerveau et de chasser la peur panique qui l'envahit. Elle arrive à trouver un rythme. Elle vire la bouée. Il ne reste plus que deux cents mètres à faire. Ça y est, elle y est presque, dix mètres et puis aghhh ! Une terrible crampe lui bloque le mollet. Elle finit par se hisser sur la moquette. Elle marche vers le parc à vélo. Puis elle entend : « Allez maman, allez Florence ! » Elle ne peut pas leur faire honte et elle essaie de trottiner.

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Le parc à vélo est presque vide. Forcément elle est en queue de peloton. Mari chéri, dont l'emplacement est juste à côté d'elle, a déjà filé. A moitié congelée par le stress (l'eau était à 19°C, pas vraiment froide), elle met son casque, sa veste, ses chaussures... Elle est très lente. Raggh ! Ses lunettes se couvrent de buée. Un bénévole a pitié d'elle et lui essuie avec un mouchoir en papier. Elle sort enfin du parc. La partie cauchemardesque est terminée, maintenant il suffit de se rappeler des conseils de son fils aîné et l'aphorisme envoyé par sa fille et c'est bon. On l'encourage encore en sortant du parc. 

La partie vélo ne sera pas trop dificile et la grande côte prévue ne la perturbe pas. Il y en a qui mettent pied à terre, elle est très fière car elle continue à grimper sur son vélo. Mais évidemment question vitesse, il ne faut pas trop lui en demander. À force de se faire doubler, elle se demande s'il y encore du monde derrière. Les pieds sont toujours gelés mais elle prend le temps d'admirer la vue splendide sur le lac, en haut de la côte. Elle discute un peu avec un concurrent qui est en VTT comme elle (mais mari chéri lui a monté des pneus de route). La vie est belle finalement. L'horreur de la natation s'estompe.
Evidement, lorsqu'elle revient dans le parc à vélo, celui-ci est plein. Ils sont déjà presque tous arrivés et repartis en course à pied. La transition est plus facile. Alors qu'elle lace ses chaussures de running, un jeune lui demande si on peut déjà retirer son vélo du parc (pour le ranger)... heu... on ne joue pas dans la même cour on dirait, car lui a déjà terminé son triathlon… Il s'excuse lorsqu'il s'en rend compte. Un autre l'aide à raccrocher son vélo après avoir vu ses deux tentatives infructueuses.


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Son fils aîné l'attend au début du parcours, l'encourage et lui donne les derniers conseils. Elle double quelques coureurs... Qu'elle est forte ! Il la retrouve un kilomètre avant la fin et court avec elle. Ce garçon est un amour. Puis mari chéri, arrivé depuis plus d'une demi heure (il finira 470e sur 1200), refait les derniers trois cents mètres avec elle. Ils doublent encore une femme. Ils arrivent ensemble, la main dans la main et passent sur grand écran géant. C'est la gloire, ce sont des stars. Elle a terminé et n'est pas dernière. Ça y est, c'est une triathlète !

Le lendemain matin, elle effacera en frottant le numéro tatoué sur son bras et sa jambe, dernier vestige d'un fabuleux et terrifiant week-end.

 

* triathlon découverte : 500 m de natation + 20 km de vélo + 5 km de course à pied. 

** Votre esprit abandonnera dix fois avant que votre corps ne le fasse.

*** triathlon XL : 1900 m de natation + 93 km de vélo + 22 km de course à pied. Il le finira en 6h33, 688e sur 1300 partants. 

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