dimanche 1 mai 2016

Albert, le Blackberry malapris








 
Au début il était tout petit et puis, il a grandi, beaucoup grandi.
Et Albert le Blackberry est alors devenu un malappris
qui s’attablait pour déjeuner sans y être invité.

On ne pouvait plus penser
on ne pouvait plus parler :
on était connecté.

Je me suis révoltée
mais tu n’as pas compris.
C’était, m’as-tu dit, du parti-pris.

Tu m’écoutais, tu disais,
mais distrait et en retrait.
Il me fallait souvent répéter :
iI y avait des résultats à consulter,
des mails urgents à regarder.
C’était décourageant
car tapi au fond de ta poche,
Albert faisait la mouche du coche.

On ne pouvait plus parler
on ne pouvait plus penser :
on était connecté.

Je me suis révoltée,
et tu as enfin compris
que je me sentais trahie et envahie.

Tu as réagi :
Albert le Blackberry malappris,
s'est transformé en un valet stylé,
ce n'est plus un ennemi à annihiler,
c'est un bel esprit en périphérie
mais nous n’y sommes plus assujettis.
Pendant le déjeuner il reste dans l’entrée,
nous ne sommes plus connectés
et le monde continue de tourner.
On peut à nouveau penser,
on peut à nouveau parler.

Si vous vous sentez parfois
la bouffonne des iPhone,
faites comme moi,
ne vous mettez pas au garde-à-vous
mais révoltez-vous.
Restez connecté,
mais n'oubliez pas de penser, 
n'oubliez pas de parler,
n'oubliez pas d'aimer.


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mercredi 23 décembre 2015

Un sapin qui a eu chaud...


















Famille chérie, je suis bien marrie,
mais il faut que je vous avoue :
le sapin de Noël
dont j’avais la tutelle
ne sera pas au rendez-vous.


J’ai essayé, et je me suis employée,
car j’étais motivée,
à le décorer et à tenter de le revigorer.
Mais, las ! L’arbre était trop pelé !
Il agonisait, pauvre chose,
car de chaleur il avait eu une overdose.
Il perdait toutes ses épines
et était devenu une vraie ruine,


Il a fini par me mettre en rage
et sans tambour si trompette,
tant pis pour mon entourage,
j’ai sorti le blanc-bec
et je l’ai mis dans ma brouette
pour le porter à Kerdalidec.


Famille chérie,
j’ai décoré,
j'ai préparé,
j’ai pâtissé,
mais je vous avoue sans faire le cacou,
que j’ai jeté le sapin de Noël rebelle à la poubelle !
 
Il est occis et a péri, mais ici on m'a dit
« L’important n'est pas tant que le sapin ait eu un pépin,
mais bien que les cadeaux ne posent pas de lapin ! »




mardi 25 février 2014

Deux vieux papis


Trois vieux papis tout vermoulus
Sur un très vieux banc tout moussu
Parlaient de la pluie et du temps.
(...)
Trois vieilles branches toutes tordues
Sur un très vieux banc tout moussu
Papotaient pour se faire du vent.
(...)
 
Nous sommes fin février et il fait beau. Ils sont là, assis sur un banc, à parler de tout et de rien. Tout est calme et paisible autour d'eux. Le soleil les chauffe doucement. Aujourd'hui il n'y a pas un nuage dans le ciel. À côté d'eux, leur chariot de golf. Ils profitent paisiblement de ce moment de bonheur saisi au vol.
Elle les aborde pour leur demander la permission d'utiliser la photo. Dans cet état de bien-être qui influe toujours sur l'esprit, c'est avec bienveillance qu'ils lui accordent ce droit. Ces deux papis ne sont pas vermoulus du tout, juste un peu chenus peut-être, mais, là, de dos, dans la lumière hivernale, Ils lui font irrésistiblement penser à cette chanson de Richard Gotainer,  
Trois vieux papis.
Elle se demande alors : c'est cela le bonheur ? On dit que le bonheur  « c'est le bien-être avec la conscience »*. Elle ne sait pas s'ils sont conscients de ce moment de bonheur impromptu, mais elle, oui.
Et en les quittant, elle a un sourire qui flotte sur les lèvres.

 
*Christophe André, médecin psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne.


 
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dimanche 26 janvier 2014

Jour J-4



La pression monte. Elle part au Togo dans 4 jours. Le voyage se rapproche et, à part le visa et le carnet de vaccinations, rien n’est prêt. Elle a seulement réalisé aujourd’hui que, porter les shorts qu’elle affectionne, dans la Savane, ne serait surement pas la tenue la plus appropriée. Elle a le choix entre le culturellement correct et mourir de chaleur.

Et puis surtout, est-ce qu’elle pourra apporter quelque chose à l’association humanitaire dans laquelle elle s’est engagée ? Depuis qu’elle est petite, elle entend parler de l’Afrique. Avec un oncle missionnaire au Mali, elle a entendu souvent les mots Bambara, Sénoufo, Bamako, Sikasso… Des masques et objets africains encombraient  l’appartement de ses grands-parents. A vrai dire, elle n’a jamais osé le dire mais elle n’a jamais beaucoup aimé l’art africain. Il ne la touche pas et n’éveille aucune émotion en elle. Mais là, cela n’a rien à voir. Car elle va enfin voir de ses propres yeux ce qui a peuplé son enfance, et le voir de près. 
 
Elle vient juste de finir le livre Survivre pour voir ce jour de Rachel Mwanza où la jeune fille de 16 ans raconte comment elle a survécu pendant 8 ans dans les rues de Kinshasa, au Congo. C’est un très beau livre, qui se lit très vite. sans aucun voyeurisme, très sobre, il est empli d’espoir, d’optimisme et de confiance en l’avenir.
Congo, Mali, Togo… L’Afrique Noire est une terre inconnue, pleine de bruits et d’odeurs différentes, de dangers aussi pour la petite femme blanche et protégée qu’elle est. Mais elle va enfin voir des gens, les toucher, serrer des mains, parler directement à des villageois.
Et pourra-elle vraiment les aider ?
 
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vendredi 3 janvier 2014

La commode et la banane


À Éric
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Elle doit meubler sa maison sur son île, en Bretagne. Un jour, elle a un coup de foudre pour une jolie commode provençale du XVIIIe. Seulement voilà, sa maison n’existe encore que sur le papier et elle se demande où la stocker. Un ami leur propose de l’entreposer chez lui, non loin de leur île. Et elle y trône dans son entrée pendant deux ans. L’ami menace même de ne pas leur rendre car il trouve que le meuble y est à sa place.
 Et puis un jour, c’est la catastrophe. Une banane est oubliée traîtreusement et à l’insu de tous par un enfant sur le plateau de la commode. La maison est fermée pour l’hiver et le fruit se dégrade sur place en y laissant une trace indélébile. Las ! L’acide a attaqué la laque délicate et l’a rongée jusqu’au cœur. L’ami est catastrophé. Elle aussi. Le dommage est irréparable. Il faut renvoyer le meuble à Paris car la restauration est délicate et doit être faite par un spécialiste. L’opération promet d’être onéreuse, très onéreuse. 
L’ami en plaisantant propose de lui offrir un de ces faux fruits en verre qui imitent admirablement les vrais. Elle le posera à l’endroit de la catastrophe. Elle rit puis repense à son idée. Est-ce finalement si indispensable de réparer ? Sa commode a traversé le temps  avec des griffures à droite et à gauche. Cela ne serait qu’une blessure de plus, témoin d’une vie bien remplie. Elle choisit donc de ne pas effacer la trace de la catastrophe et d’y poser le fruit en verre que lui trouvera son ami.
Et si on lui demande un jour « Mais que fait là cette banane ? », elle pourra répondre négligemment : « Oh ! C’est un ami qui l’a oubliée, ce n’est pas grave…» et ce sera son histoire secrète, le rappel d’une belle amitié, beaucoup plus solide et précieuse que la coupable banane et le dessus de sa commode.
 
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mardi 10 décembre 2013

L'accordéoniste


 Il est à peu à près 8h du soir, une fin de week-end de novembre. Dans les couloirs de la gare de Lyon les gens se pressent. Beaucoup portent un sac où traînent derrière eux une valise à roulettes. Elle attrape au vol son métro, essayant de ne pas être gagnée par la frénésie parisienne.
Un accordéoniste est en train de jouer. Elle n'aime pas tellement l'accordéon d'habitude. Mais le musicien joue bien, l'air est gai et entrainant. Cela rappelle les vieilles chansons françaises reprises il y a quelques temps. Elle sourit malgré elle. Et puis elle sent l'atmosphère changer autour d'elle. On dirait qu'il passe comme un souffle d'air dans le wagon qui chasse la torpeur indifférente des passagers. Malgré eux, la musique s'insinue, elle entre par effraction dans leur esprit et efface pour un temps la morosité des dimanches soir. Tout d'un coup nous ne sommes plus dans le métro mais à un bal musette des bords de Marne. Elle le sent, c'est presque tangible. Elle voit les visages se relâcher et les traits se détendre. Par-ci par-là, des esquisses de sourire s'amorcent.
Empêtrée dans ses bagages, elle cherche une pièce pour donner au musicien-magicien. L'homme est dans l'autre carré, alors vite, elle descend et va lui donner avant que les portes ne se referment. La rame s'en va et elle s'aperçoit alors qu'elle est en fait descendue une station trop loin. Mais, même pas énervée par son erreur, elle repart dans l'autre sens avec la musique qui continue à danser dans sa tête.
 
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samedi 7 décembre 2013

Promenade dans Paris












 
Photo fournie gracieusement par TripAdvisor
Elle marche vers la Bastille, il est 14h un dimanche et c'est la fin du marché. Il règne une activité fébrile. Non, pas fébrile en fait, car les gestes sont méthodiques et précis. Pas de temps perdu, mais le froid ambiant ne s’y prête guère non plus. Et puis, tout le monde est sur le pont, probablement depuis très tôt ce matin, et ils ont hâte d’en finir. 
Un poissonnier remet la glace dans un baril avec sa pelle. Son commis empoigne les tréteaux et les enfile sur son bras pour les porter dans le camion. On entend des claquements secs et les bruits des étals que l’on replie. Des retardataires essaient encore d’acheter quelque chose. Il y a les dernières affaires de fin de marché. Un patron gronde son apprenti car il range mal les petits artichauts violets : mis de cette manière ils vont s’abîmer et il perdra sa marchandise.


C’est un métier rude. Les mains sont abîmées et les visages rougis de façon permanente par cette vie exposée sans arrêt aux intempéries. Elle éprouve du respect envers ces gens qui travaillent si durement, et pour certains, depuis des décennies. Elle, elle ne pourrait pas.


Puis elle observe une femme qui, portant deux grands sacs en plastique, ramasse des papiers. Elle est 
moitié clodo, moitié... moitié quoi exactement ? Qu'est-on est lorsque la vie vous a réduit à trier dans les déchets d'un marché ? Elle la suit un moment pour comprendre ce qu'elle cherche puis renonce. 

 
Elle continue vers la rue Saint Antoine, traverse l’hôtel de Sully et se retrouve dans les jardins intérieurs. Quelle calme tout d’un coup ! On ne se croirait pas dans Paris. Mais c'est un peu triste aussi, dans son austérité sévère accentuée par la nudité de fin d'automne. Elle avise au fond du jardin une porte et se retrouve à sa grande surprise place des Vosges. Elle connaît mal le quartier, alors, toute heureuse d’avoir trouvé ce raccourci, elle a l’impression maintenant qu’il lui appartient un peu. Comme un lieu familier qu’on s’approprie au fil des visites.
Elle passe devant chez Carette. Tiens, elle ne se rappelait pas que c’était là. L’ambiance n’est plus la même. En terrasse les mains sont cachées dans des gants douillets et les visages protégés par des écharpes souvent en cashmere. C’est bientôt Noël et les magasins sont ouverts. Rue de Franc-Bourgeois un magasin affiche -30%. Elle suit la foule et entre, pour voir. On entre toujours pour voir, pour ne pas rater l’affaire du siècle. Mais ce ne sera pas aujourd’hui. Aujourd’hui, elle veut juste regarder. S’emplir les yeux de cette activité humaine, si différente d’un quartier à l’autre. 
Puis fatiguée, elle rentre chez elle en faisant le chemin inverse. Boulevard Richard-Lenoir, les balayeuses municipales sont au travail. Elles achèvent d’effacer les traces de l’activité intense qu’il y régnait tout à l’heure. 
 
 
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