mardi 10 décembre 2013

L'accordéoniste


 Il est à peu à près 8h du soir, une fin de week-end de novembre. Dans les couloirs de la gare de Lyon les gens se pressent. Beaucoup portent un sac où traînent derrière eux une valise à roulettes. Elle attrape au vol son métro, essayant de ne pas être gagnée par la frénésie parisienne.
Un accordéoniste est en train de jouer. Elle n'aime pas tellement l'accordéon d'habitude. Mais le musicien joue bien, l'air est gai et entrainant. Cela rappelle les vieilles chansons françaises reprises il y a quelques temps. Elle sourit malgré elle. Et puis elle sent l'atmosphère changer autour d'elle. On dirait qu'il passe comme un souffle d'air dans le wagon qui chasse la torpeur indifférente des passagers. Malgré eux, la musique s'insinue, elle entre par effraction dans leur esprit et efface pour un temps la morosité des dimanches soir. Tout d'un coup nous ne sommes plus dans le métro mais à un bal musette des bords de Marne. Elle le sent, c'est presque tangible. Elle voit les visages se relâcher et les traits se détendre. Par-ci par-là, des esquisses de sourire s'amorcent.
Empêtrée dans ses bagages, elle cherche une pièce pour donner au musicien-magicien. L'homme est dans l'autre carré, alors vite, elle descend et va lui donner avant que les portes ne se referment. La rame s'en va et elle s'aperçoit alors qu'elle est en fait descendue une station trop loin. Mais, même pas énervée par son erreur, elle repart dans l'autre sens avec la musique qui continue à danser dans sa tête.
 
Ce billet vous a plu ? Pour être averti automatiquement à chaque nouvelle diffusion sur le blog, inscrivez-vous à la newsletter  

samedi 7 décembre 2013

Promenade dans Paris












 
Photo fournie gracieusement par TripAdvisor
Elle marche vers la Bastille, il est 14h un dimanche et c'est la fin du marché. Il règne une activité fébrile. Non, pas fébrile en fait, car les gestes sont méthodiques et précis. Pas de temps perdu, mais le froid ambiant ne s’y prête guère non plus. Et puis, tout le monde est sur le pont, probablement depuis très tôt ce matin, et ils ont hâte d’en finir. 
Un poissonnier remet la glace dans un baril avec sa pelle. Son commis empoigne les tréteaux et les enfile sur son bras pour les porter dans le camion. On entend des claquements secs et les bruits des étals que l’on replie. Des retardataires essaient encore d’acheter quelque chose. Il y a les dernières affaires de fin de marché. Un patron gronde son apprenti car il range mal les petits artichauts violets : mis de cette manière ils vont s’abîmer et il perdra sa marchandise.


C’est un métier rude. Les mains sont abîmées et les visages rougis de façon permanente par cette vie exposée sans arrêt aux intempéries. Elle éprouve du respect envers ces gens qui travaillent si durement, et pour certains, depuis des décennies. Elle, elle ne pourrait pas.


Puis elle observe une femme qui, portant deux grands sacs en plastique, ramasse des papiers. Elle est 
moitié clodo, moitié... moitié quoi exactement ? Qu'est-on est lorsque la vie vous a réduit à trier dans les déchets d'un marché ? Elle la suit un moment pour comprendre ce qu'elle cherche puis renonce. 

 
Elle continue vers la rue Saint Antoine, traverse l’hôtel de Sully et se retrouve dans les jardins intérieurs. Quelle calme tout d’un coup ! On ne se croirait pas dans Paris. Mais c'est un peu triste aussi, dans son austérité sévère accentuée par la nudité de fin d'automne. Elle avise au fond du jardin une porte et se retrouve à sa grande surprise place des Vosges. Elle connaît mal le quartier, alors, toute heureuse d’avoir trouvé ce raccourci, elle a l’impression maintenant qu’il lui appartient un peu. Comme un lieu familier qu’on s’approprie au fil des visites.
Elle passe devant chez Carette. Tiens, elle ne se rappelait pas que c’était là. L’ambiance n’est plus la même. En terrasse les mains sont cachées dans des gants douillets et les visages protégés par des écharpes souvent en cashmere. C’est bientôt Noël et les magasins sont ouverts. Rue de Franc-Bourgeois un magasin affiche -30%. Elle suit la foule et entre, pour voir. On entre toujours pour voir, pour ne pas rater l’affaire du siècle. Mais ce ne sera pas aujourd’hui. Aujourd’hui, elle veut juste regarder. S’emplir les yeux de cette activité humaine, si différente d’un quartier à l’autre. 
Puis fatiguée, elle rentre chez elle en faisant le chemin inverse. Boulevard Richard-Lenoir, les balayeuses municipales sont au travail. Elles achèvent d’effacer les traces de l’activité intense qu’il y régnait tout à l’heure. 
 
 
Ce billet vous a plu ? Pour être averti automatiquement à chaque nouvelle diffusion sur le blog, inscrivez-vous à la newsletter