mercredi 27 juin 2012

Partie !

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La clé tourne dans la serrure et la porte d'entrée claque. Cela résonne dans la maison vide et l'absence la frappe au visage. Cet après-midi elle a déposé sa fille à Roissy. Elle est partie en Australie, loin, à l'autre bout du monde. Les enfants, on les élève pour qu'ils nous quittent et soient heureux sans nous et puis, un jour, ils nous prennent au mot et ils s'en vont. 

Il fait presque nuit mais elle décide d'aller courir pour chasser les toiles d'araignées qui se tissent dans sa tête. Elle passe dans un tunnel, des gouttes font ploc ! ploc ! et la lumière est blafarde. Elle débouche sur les quais de la rivière qui sont presque vides. Il y encore quelques amoureux ça et là sur des coins de pelouse ou sur des bancs. Il fait nuit et elle rentre. 

 Elle jette un œil à la chambre de sa fille inhabituellement rangée et va dans la sienne. Sur le lit, elle trouve un petit mot doux et affectueux que sa fille lui a laissé avant de quitter la maison. Elle en a mis également un pour son père. Elle s'endort en pensant à elle. Elle n'est plus triste. Six mois, c'est vite passé finalement.

Partir, huile sur toile de Jean Arcelin.

 

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dimanche 3 juin 2012

La maison éventrée

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 Je suis une vieille maison sur une ile de Bretagne. On doit me rénover et m'agrandirir. 
Un jour, j’ai vu arriver des hommes avec des grosses chaussures. Ils avaient des pelles de métal. Et j’ai commencé à avoir peur. Ils m’ont d’abord enlevé un morceau de toit, puis des fenêtres, et puis une partie de mes murs est tombée. Une partie seulement, car je suis toujours debout.

 Une petite bonne femme brune toute frêle et menue dirige les hommes aux grosses chaussures. Elle est si petite qu’un coup de vent d’ouest la ferait voler jusqu’à la côte sauvage. Mais il ne faut pas s’y fier, c’est bien elle qui commande les hommes aux grosses chaussures.

 Et puis un de mes deux pignons qui étaient encore debout est tombé. Et une autre petite bonne femme est arrivée, blonde cette fois. La brune et la blonde se sont mises à parler et les hommes aux grosses chaussures m’ont regardée d’un drôle d’air. J’ai bien compris alors que mes jours étaient comptés. Il parait que je ne suis pas solide, que je suis trop mal construite, que mes poutres sont pourries et que mes murs sont fissurés. Et ils ont décidé de me mettre par terre.

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 Pourtant j’en ai vu des choses se passer sous mon toit. J’en ai entendu des rires. Et des pleurs aussi, parfois. Des enfants qui ont grandi et qui sont devenus des adultes ont dévalé mes escaliers et ont chahuté dans mes chambres. Et puis il y a aussi une vieille dame qui m’est fidèle depuis longtemps et cela me ferait de la peine de ne plus la voir.

 La petite bonne femme blonde avait un peu de mal à laisser faire les pelles de métal. Alors la petite bonne femme brune a dit que je serai reconstruite à l’identique, que je reverrai la vieille dame et que j’entendrai à nouveau des rires d’enfants.

Je n’ai plus peur des hommes aux grosses chaussures ni des pelles de métal.



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vendredi 1 juin 2012

Petit plaisir minuscule à la Philippe Delerm

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Le sable sec glisse entre ses orteils. Elle se laisse aller au plaisir sensuel du soleil. À travers les vêtements, ce soleil de mai chauffe sans brûler. Allongée sur la plage, elle entend le bruit des vagues qui se cassent tout près. Une mouette passe en criant. Deux femmes discutent tranquillement un peu plus loin. Elle entend juste leur voix sans comprendre les mots. Tous ces sons mélangés la berce et une douce torpeur l’envahit. Elle ferme les yeux.

Mais il est déjà l’heure. Elle remet ses tennis, attrape sa valise qui lui servait d’oreiller et va prendre son bus. Ce soir, elle sera à Paris. C’était juste une parenthèse, un petit bonheur en passant. Quelques instants inattendus qui font que, tout d’un coup, la vie est belle. 

Demain matin, souvenirs de ce petit plaisir minuscule, elle trouvera des grains de sable dans le lit.

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