La pression monte. Elle part au Togo dans 4 jours. Le voyage se rapproche et, à part le visa et le carnet de vaccinations, rien n’est prêt. Elle a seulement réalisé aujourd’hui que, porter les shorts qu’elle affectionne, dans la Savane, ne serait surement pas la tenue la plus appropriée. Elle a le choix entre le culturellement correct et mourir de chaleur.
Et puis surtout, est-ce qu’elle pourra apporter quelque chose à l’association humanitaire dans laquelle elle s’est engagée ? Depuis qu’elle est petite, elle entend parler de l’Afrique. Avec un oncle missionnaire au Mali, elle a entendu souvent les mots Bambara, Sénoufo, Bamako, Sikasso… Des masques et objets africains encombraient l’appartement de ses grands-parents. A vrai dire, elle n’a jamais osé le dire mais elle n’a jamais beaucoup aimé l’art africain. Il ne la touche pas et n’éveille aucune émotion en elle. Mais là, cela n’a rien à voir. Car elle va enfin voir de ses propres yeux ce qui a peuplé son enfance, et le voir de près.
Elle vient juste de finir le livre Survivre pour voir ce jour de Rachel Mwanza où la jeune fille de 16 ans raconte comment elle a survécu pendant 8 ans dans les rues de Kinshasa, au Congo. C’est un très beau livre, qui se lit très vite. sans aucun voyeurisme, très sobre, il est empli d’espoir, d’optimisme et de confiance en l’avenir.
Congo, Mali, Togo… L’Afrique Noire est une terre inconnue, pleine de bruits et d’odeurs différentes, de dangers aussi pour la petite femme blanche et protégée qu’elle est. Mais elle va enfin voir des gens, les toucher, serrer des mains, parler directement à des villageois.
Et pourra-elle vraiment les aider ?
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À Éric
Elle doit meubler sa maison sur son île, en Bretagne. Un jour, elle a un coup de foudre pour une jolie commode provençale du XVIIIe. Seulement voilà, sa maison n’existe encore que sur le papier et elle se demande où la stocker. Un ami leur propose de l’entreposer chez lui, non loin de leur île. Et elle y trône dans son entrée pendant deux ans. L’ami menace même de ne pas leur rendre car il trouve que le meuble y est à sa place.
Et puis un jour, c’est la catastrophe. Une banane est oubliée traîtreusement et à l’insu de tous par un enfant sur le plateau de la commode. La maison est fermée pour l’hiver et le fruit se dégrade sur place en y laissant une trace indélébile. Las ! L’acide a attaqué la laque délicate et l’a rongée jusqu’au cœur. L’ami est catastrophé. Elle aussi. Le dommage est irréparable. Il faut renvoyer le meuble à Paris car la restauration est délicate et doit être faite par un spécialiste. L’opération promet d’être onéreuse, très onéreuse.
L’ami en plaisantant propose de lui offrir un de ces faux fruits en verre qui imitent admirablement les vrais. Elle le posera à l’endroit de la catastrophe. Elle rit puis repense à son idée. Est-ce finalement si indispensable de réparer ? Sa commode a traversé le temps avec des griffures à droite et à gauche. Cela ne serait qu’une blessure de plus, témoin d’une vie bien remplie. Elle choisit donc de ne pas effacer la trace de la catastrophe et d’y poser le fruit en verre que lui trouvera son ami.
Et si on lui demande un jour « Mais que fait là cette banane ? », elle pourra répondre négligemment : « Oh ! C’est un ami qui l’a oubliée, ce n’est pas grave…» et ce sera son histoire secrète, le rappel d’une belle amitié, beaucoup plus solide et précieuse que la coupable banane et le dessus de sa commode.
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