jeudi 27 octobre 2011

Cette heure en plus...

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Dimanche, dans la nuit, on change d'heure. On passe directement de l'été à l'hiver.

On vit une heure de plus alors ? Une heure gratuite ? Et pourquoi ne pas la mettre l'après-midi plutôt que la nuit, cette heure ? On pourrait la vivre réellement deux fois. L'occasion de mieux faire ce que nous avons déjà fait, ou de faire complètement autre chose, au choix. Oh, il faudrait en prendre soin de cette heure exceptionnellle. Imaginez un peu : on pourrait faire quelque chose de nouveau, de complètement inutile. On s'accorderait un petit plaisir gratuit, comme aller au parc regarder des enfants s'amuser ou discuter avec son voisin ou encore bailler aux corneilles en rêvassant. Ce ne serait pas grave puisque de toutes façons cette heure n'existe pas vraiment. Bien sûr les plus sérieux ou consciencieux en profiteraient probablement pour refaire ce qu'ils n'ont pas bien réussi, cette présentation qui n'est pas au point, ou finir un travail urgent ou encore sauver le monde. Mais ce serait une heure que l'on vivrait pleinement. Tandis que là, dans la nuit de dimanche, on ne saura même pas que pour une fois 1 = 1+1 puisque la majorité d'entre nous sera dans l'inconscience du sommeil. Il n'y a que les pauvres insomniaques qui devront égrener 60 minutes de plus cette nuit là.

Alors, faute de la vivre en direct, cette heure de plus, on la vit en différé. Dimanche matin, en nous réveillant, on se sentira tout drôle, quelque chose aura changé... oui la lumière ne sera pas la même. Et si on ne travaille pas ce jour-là, on restera paresseusement au lit une heure de plus... mmmm... quel plaisir, ne pas avoir besoin de se presser pour s'occuper des enfants ou préparer le déjeuner.  Et puis le soir, on se dira « Tiens il n'est que 10h et j'ai déjà sommeil  ?... Ah, oui, il est 11h en vrai » En vrai de quoi au fait ? Et on restera embrouillé quelques jours dans cet hiver qui est arrivé si vite.

Et l'année prochaine, fin mars cette heure supplémentaire dans notre vie disparaitra comme elle est venue, ce sera le l'heure d'été tout d'un coup.

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Qu'est ce que le temps ? Marcel Aymé le dissèque pour vous dans deux nouvelles un peu oubliées mais fascinantes,  La carte et Le décret. Voir aussi ou revoir C'était demain de Nicholas Meyer.



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samedi 22 octobre 2011

À la piscine

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Sept heures, un matin de semaine, à la piscine municipale.

Il s'est inscrit à un triathlon* alors il faut qu'il s'entraîne. Son temps est minuté : à 7h il passe la porte, à 7h02 il est dans l'eau et commence à nager, à 7h30 pile il sort et va prendre sa douche et se rhabiller, à 7h35 le taxi est là pour le conduire chez le client où il est en mission pour la semaine.

A Paris il nage dans sa ligne et fonce sans se soucier des voisins et de ceux qui sont sur son passage. Seulement voilà, il n'est pas à Paris. Il est dans une petit ville de province tranquille. Ici il n'y a pas de lignes et le petit basin de 25 mètres est envahi par des têtes grises dès l'ouverture. Des retraités qui font un peu de sport sur les conseils de leur médecin. Ils se réveillent tôt, alors ils viennent à la piscine, parce que cela sera fait, parce qu'après ils doivent aller faire les courses, et puis après préparer le déjeuner et après aller à leur cours de peinture ou chez le coiffeur et que et que... ils ont peur que le temps leur échappe et ils font les choses dès qu'ils le peuvent. 

 Ce matin il essaie de nager. Il contourne trois mamies qui font la brasse tranquillement au milieu du bassin et prennent toute la place (et une grande largeur). Il n'ose pas les bousculer, elles lui rappellent ses grands-mères et puis elles lui font un sourire, charmées par ce beau et athlétique jeune homme si poli qui s'entraîne avec tant d'énergie. Et là, c'en est fini, elles sont trop gentilles, il ne peut vraiment plus faire le bulldozer !

Il se résigne et finit son entrainement en navigant à vue. Mais il se promet de demander au maître-nageur de mettre les lignes d'eau.



*1500 mètres de natation, 40 km de vélo et 10 km de course à pied

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dimanche 16 octobre 2011

Les russes du métro

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On les entend de loin. Le son déferle dans les oreilles. Ils sont placés à dessein là où des couloirs se croisent et s'entrecroisent et leur musique s'éparpille autour d'eux. Ils chantent et jouent du violon, du violoncelle et de la contrebasse. Elle les a déjà entendu et comme chaque fois, elle s'arrête un moment pour les écouter.

Enfant elle a lu la Comtesse de Ségur, elle a eu peur du Général Dourakine avec sa bedaine et ses terribles colères. Puis Michel Strogoff l'a fait voyager à travers la steppe vers Irkoutsk. Elle a tremblé pour lui et a détesté le traître Ogareff. Adolescente elle s'est plongé dans le monde de Dostoïevski et en a voulu au prince Mychhkin de L'Idiot d'être si naïf. Puis elle est tombé amoureuse du prince André de Guerre et Paix et le Docteur Jivago l'a fait pleurer. 

Les sonorités étranges et rocailleuses de cette langue qu'elle ne comprend pas lui évoque une Russie inconnue et mystérieuse. C'est une Russie sauvage faite de moujiks fidèles et de passion. Elle sait que c'est une Russie d'Épinal qui n'existe pas et n'a jamais existée que dans son imagination de midinette. Elle le sait mais ces chants russes l'émeuvent quand même et éclaire pendant quelques instant les couloirs gris du métro.

Mais elle va être en retard, elle leur dépose une pièce, refuse leurs cd car les a déjà achetés et puis repart.



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mercredi 12 octobre 2011

Le supporter

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Ce jour-là trois rencontres sont diffusées. Il suit la première en pianotant distraitement sur l'ipad. Pour la deuxième il le pose. C'est le match qu'il attend. Un club français, son club joue ce soir. Pas question d'être distrait. C'est le début du championnat et celui-ci joue contre un monument de ce sport qu'il n'a jamais réussi à battre. 

Il connait tous les joueurs, leur force et leur faiblesse. Il applaudit ou tempête et commente les actions. « Magnifique, quel arrêt ! »  « Mais c'est quoi, ce carton rouge ?! » Le match progresse et le score est indécis. Puis nous voilà déjà en deuxième période. La situation est tendue. L'homme se crispe de plus en plus dans le fauteuil. D'ailleurs il n'est plus là, il est là-bas, au milieu de la foule. Il vit le match avec l'assistance surexcitée. C'est bientôt terminé. Le score est serré. Tout peut encore arriver. À une minute de la fin, égalité. L'homme se lève. La femme ne lit plus et l'observe. Debout, le buste penché vers l'avant, tendu, les yeux rivés sur l'écran, il semble vouloir transmettre son énergie à l'équipe. Tout son corps est concentré dans cette volonté de la voir gagner. Il arrête de respirer. Il faut qu'ils marquent. Vingt neuf secondes de la fin, but de son équipe. Elle passe devant « Il ne faut pas le prendre, il ne faut pas le prendre... » répète-t-il alors comme un mantra. Coup de sifflet final, son équipe, le club français, a gagné. Il recommence à vivre.

Et il prend la femme à témoin : « C'est énorme, tu ne te rends pas compte, mais c'est vraiment énorme ce qu'ils ont fait ! » Mais iI faut qu'il partage avec quelqu'un qui comprenne réellement la situation. Alors il appelle son fils. Véritable clone de son père, celui-ci a vécu le match de la même façon dans une autre ville. Comme lui, il a commenté tout haut, comme lui il s'est crispé de plus en plus, comme lui il s'est levé pendant la dernière minute, comme lui il a esssayé d'insuffler son énergie aux joueurs et comme lui il s'est rué sur le téléphone pour partager. 

Le lendemain tous les deux feront un détour pour acheter l'Équipe et revivre le match une dernière fois.

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samedi 8 octobre 2011

L'homme qu'elle aime

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Justement, elle oublie parfois de le lui dire, qu’elle l’aime.

Comme on tombe d’une falaise, un jour elle est tombée amoureuse. Elle ne le connaissait pas vraiment mais c’était celui qu’elle attendait et elle a décidé de faire sa vie avec lui. Bien longtemps et des enfants après, lui seul sait encore faire briller ses yeux d’un mot glissé à l’oreille ou la faire sourire d’un seul regard.

Souvent ils sont séparés. Lorsqu’elle rit et qu’elle s’amuse sans lui, elle pense déjà à comment elle le lui racontera. Mais parfois elle se sent seule. Alors elle lui envoie un texto sur son portable. Toujours il lui répond, deux ou trois mots seulement, mais cela suffit. Puis il revient. Et tout recommence. Quelques fois, quand elle entend parler d’un accident à la radio, elle se fait peur, elle se dit qu’un jour il pourrait ne plus rentrer. Puis vite, vite, elle écarte ces pensées folles. D’ailleurs elle entend la porte d’entrée s’ouvrir. C’est lui. Il vient l’embrasser.

Aujourd’hui, c’est un jour spécial, c’est son anniversaire. Alors elle lui a écrit ce petit billet, rien que pour lui.

Juste pour l’homme qu’elle aime.


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jeudi 6 octobre 2011

Histoire de pub.

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Grrr ! La boite à lettres en est encore pleine. Elle en a assez. Cela passe directement au sac de recyclage. Elle râle contre ce gaspillage et se promet de coller un signe sur sa boîte. Elle sort et aperçoit devant chez elle un diable avec tous ces cadeaux empoisonnés prêts à être distribués. Le coupable pollueur ne doit pas être loin. L'homme pub sort en effet de l'immeuble voisin. Elle l'interpelle et lui demande de ne plus mettre tous ces papiers dans sa boîte. Elle lui explique qu'elle ne les lit jamais et les met directement à la poubelle. Puis elle réalise ce qu'elle est en train de faire. Elle vient de lui jeter à la figure que son travail, pour lequel il fait des kilomètres à pied tous les jours, ne sert à rien. Elle vient de lui dire que, non seulement ce qu'il fait est inutile et génère de la pollution, mais qu'en plus il fabrique une armée de mécontents.

Elle est gênée tout à coup et essaie de se rattraper un peu. Oui, elle comprend, ce n’est pas de sa faute, elle ne le vise pas personnellement… Mais le mal est fait. Elle est très mal à l’aise. Lui, endurci par la vie et par une société dont il n’attend peut-être plus grand chose, semble s’en moquer. Mais elle y pensera encore pendant la journée, fâchée contre elle-même et contre l’absurdité de ce système qui la fait culpabilser pour avoir dit à un homme que son travail honnête était inutile et polluant.


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lundi 3 octobre 2011

Pour un lundi...

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Mais comment résister à ce fou rire de Lucky Luke et de Jolly Jumper ?!    

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samedi 1 octobre 2011

Solitude

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Un quartier populaire à Paris, un dimanche matin.

L'été a oublié de finir et pourtant le calendrier dit que c'est déjà l'automne. On le sait, on le sent. L'air n'est pas le même et le soleil est déjà moins éclatant, la lumière plus blanche. On fait comme si, mais on sait bien que c'est un sursis, et que bientôt il faudra sortir les pulls et les manteaux. 

La plupart des parisiens font vite leurs courses pour profiter après de cette belle journée. Une vieille dame est à la caisse d'une crémerie du quartier. Elle n'a pas l'air pressée. Le magasin est clair et largement ouvert sur la rue. Ce n'est pas une de ces boutiques où il faut se faufiler à travers des caisses et des présentoirs. Ici on n'a rien à cacher et on est même fier de ses produits. On est invité à entrer et à regarder, même si on n'achète pas.

La vieille dame est venue faire ses courses de la journée ou peut-être de la semaine. Elle a l'air frêle et fragile dans sa tenue stricte et classique. Ses chaussures noires à petits talons carrés sont de celles que l'on fabriquait hier ou même avant-hier avec un cuir dur et raide et qui sont inusables. La matinée est déjà avancée. Elle aurait pu venir plus tôt pour ne pas attendre mais elle doit avoir envie de voir du monde. Cela ne va pas très fort, on dirait.
« Il faut sortir, allez, venez me voir, on parlera »  La crémière qui s'adresse à elle est rose et blonde. Elle fait penser à Gervaise, celle de l'Assommoir. Mais une Gervaise qui aurait bien tourné, dans une autre vie. 
« Et puis, il faut voir vos amis »  
« Ils sont tous morts mes amis ». Mais Gervaise-crémière n'abandonne pas et spontanément laisse parler son coeur. 
« Il ne faut pas rester toute seule comme cela, venez me voir dans la semaine et nous prendrons le thé ensemble ». Elle lui répète plusieurs fois et semble sincèrement émue de cette triste solitude.

La vielle dame s'éloigne de cette démarche un peu incertaine qu'ont souvent les gens âgés. Mais aucun sourire n'éclaire son visage. On dirait qu'elle n'a pas vue cette main tendue si généreusement. C'est trop tard, elle est déjà murée dans son malheur et éloignée d'un monde qu'elle ne regarde plus. Le soleil brille mais il ne la réchauffe pas.

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