Un quartier populaire à Paris, un dimanche matin.
L'été a oublié de finir et pourtant le calendrier dit que c'est déjà l'automne. On le sait, on le sent. L'air n'est pas le même et le soleil est déjà moins éclatant, la lumière plus blanche. On fait comme si, mais on sait bien que c'est un sursis, et que bientôt il faudra sortir les pulls et les manteaux.
La plupart des parisiens font vite leurs courses pour profiter après de cette belle journée. Une vieille dame est à la caisse d'une crémerie du quartier. Elle n'a pas l'air pressée. Le magasin est clair et largement ouvert sur la rue. Ce n'est pas une de ces boutiques où il faut se faufiler à travers des caisses et des présentoirs. Ici on n'a rien à cacher et on est même fier de ses produits. On est invité à entrer et à regarder, même si on n'achète pas.
La vieille dame est venue faire ses courses de la journée ou peut-être de la semaine. Elle a l'air frêle et fragile dans sa tenue stricte et classique. Ses chaussures noires à petits talons carrés sont de celles que l'on fabriquait hier ou même avant-hier avec un cuir dur et raide et qui sont inusables. La matinée est déjà avancée. Elle aurait pu venir plus tôt pour ne pas attendre mais elle doit avoir envie de voir du monde. Cela ne va pas très fort, on dirait.
« Il faut sortir, allez, venez me voir, on parlera » La crémière qui s'adresse à elle est rose et blonde. Elle fait penser à Gervaise, celle de l'Assommoir. Mais une Gervaise qui aurait bien tourné, dans une autre vie.
« Et puis, il faut voir vos amis »
« Ils sont tous morts mes amis ». Mais Gervaise-crémière n'abandonne pas et spontanément laisse parler son coeur.
« Il ne faut pas rester toute seule comme cela, venez me voir dans la semaine et nous prendrons le thé ensemble ». Elle lui répète plusieurs fois et semble sincèrement émue de cette triste solitude.
La vielle dame s'éloigne de cette démarche un peu incertaine qu'ont souvent les gens âgés. Mais aucun sourire n'éclaire son visage. On dirait qu'elle n'a pas vue cette main tendue si généreusement. C'est trop tard, elle est déjà murée dans son malheur et éloignée d'un monde qu'elle ne regarde plus. Le soleil brille mais il ne la réchauffe pas.
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RépondreSupprimerLa solitude dans une grande ville, c'est terrible...Etre entouré de tant et tant d'etres humains et, en même temps, être si seul...A la campagne, ce n'est pas pareil..Pourtant, ma mère me dit
qu'elle déteste les longues soirées d'hiver..
Finalement, je me contredis, il vaut peut-être mieux au bout du compte, habiter une grande ville l'hiver...La campagne, c'est mortelle..Certains ne voient aucun être humain pendant des jours et des
jours..
ps : j'ai bien envie de vous mettre en lien chez moi....car, j'ai attterri sur votre blog, en ayant vu dans mes stats qu'on avait tapé "gare de Lyon "..J'aurai bien envie de lire d'autres petites
chroniques...
RépondreSupprimerPour avoir vécu douze ans dans une campagne très reculée et isolée je sais que les soirées y peuvent être très longues mais vous avez raison on peut être seul partout, au milieu de la foule comme
dans le désert. Merci, Juliette, pour vos commentaires si à propos. Merci aussi de lire mes billets.