lundi 21 mai 2012

Turbulences

 

Pour Juliette...

 

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Lorsqu'elle rouvre les yeux, ils sont déjà dans les airs. Elle s'était endormie. L'avion a quitté Gatwick en douceur et elle ne s'en est même pas aperçue.  Le vol est court, 1h30 seulement. Il ne sera pas troublé par un repas ou un snack car c'est un vol low cost. Elle se met à lire. Une famille est assise dans la rangée devant elle. Ils rient et échangent des plaisanteries. 

Le signe lumineux s'allume. Il faut attacher sa ceinture. La routine. L'hôtesse vérifie que tout le monde a bien obéi. L'avion secoue un peu. Elle continue à lire. Et puis cela secoue plus fort. Elle arrête de lire et ferme les yeux. Cela secoue vraiment fort. L'avion monte et descend. Elle est dans un ascenseur qui dégringole du 20e étage. Son estomac se révolte. La rangée devant s'amuse et rit. Cela défile dans sa tête. Elle n'a pas dit au revoir à ses enfants. Mais il n'y a pas de réseau dans les airs. Elle ne pourra pas envoyer de texto. Mais pourquoi n'ont-ils pas pris l'Eurostar ? Et puis, ces avions de compagnies low cost, on entend toujours des histoires affreuses à leur sujet. Mais non c'est stupide, on a bien plus de chance de mourir sur la route. Les statistiques le prouvent. Oui, mais, les statistiques... Pourtant, elle n'a jamais peur en avion, elle est juste malade quand on la secoue comme une bouteille d'Orangina. Et si on nous cachait quelque chose ? Et les enfants devant rient toujours. Elle les déteste. Elle déteste aussi son mari assis à côté d'elle qui continue à lire comme si de rien n'était. C'est bien simple, elle déteste tout le monde et elle veut mourir. C'est infernal, c'est odieux et cela ne s'arrête pas. Elle consulte sa montre. D'après l'horaire, il y en a encore pour trente minutes. Elle ne tiendra pas.

Elle entend enfin l'ordre de se préparer à l'atterrissage. Ils ont gagné du temps sur l'horaire. Trop tard, elle hait la terre entière et a juste envie de s'allonger et de mourir là, dans la plus grande misère du monde. Une hôtesse vient attraper un paquet dans un compartiment à bagage. Elle a le temps de voir écrit « body fluid...» Un passager a été vraiement malade. Au moins elle a évité cet ultime humilation. Elle mourra dignement et discrètement.

Et puis c'est la délivrance. Les portes s'ouvrent, ils sont au dernier rang, en queue (erreur qu’elle ne refera pas car on y est plus secoué) et ils sortent les premiers. C'est fini, elle est sauvée. Elle consent à vivre mais refuse de penser à la prochaine fois. 

 

 

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6 commentaires:

  1. C'etait pire que quand tu prends le bateau ? :)

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  2. la plume de florence11 novembre 2015 à 21:23



    Oui, et au moins en bateau tu peux toujours sauter à l'eau 



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  3. Quelle Juliette ? Moi ? C'est vrai que je n'ai jamais voulu monter dans un avion...
    C'est bizarre..Tu as peur que l'avion s'écrase et tu veux en même temps mourir..Si l'avion s'était écrasé, c'eusse été vite fait...Ca me fait penser à quelqu'un qui veut se suicider et qui se jette
    d'un pont, mais qui, une fois une fois au contact de l'eau, se débat comme un beau diable et hurle "maman, maman, je ne veux pas mourir"..L'être humain est fait de pleins de contradictions.
    ps : à propos de peur de l'avion, un petit avion s'est écrasé sur l'aérodrome de Vichy samedi et le pilote tué....L'adjoint du maire de ma ville, qui était en compagnie de mon mari, a été appelé
    sur les lieux de l'accident..Il a dit à mon mari que c'est lui qui est souvent appelé dans ces cas-là..Sale boulot...

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  4. la plume de florence11 novembre 2015 à 21:23



    Oui, toi qui a dit dans un dernier post que tu ne voulais pas prendre l'avion. La peur m'a effleuré en effet car le cerveau fonctionne bizarement dans ces cas là mais j'ai surtout eu très mal au
    cœur, beuuuh ! 



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  5. Ma chère Florence, quelle vie infernale ... Pour que tu t'en remettes bien vite, je t'embrasse. Eric

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  6. la plume de florence11 novembre 2015 à 21:23



     Cela a duré toute la journée d'hier, la prochaine fois, j'y vais à la nage !



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