C'est un film étrange, différent. Il n'est pas resté longtemps à l'affiche. C'est l'histoire d'un jeune d'Afrique Noire qui s'échappe d'un container en transit au Havre, alors que celui-ci emmène d'autres compatriotes pour entrer clandestinement en Angleterre. Il se sauve et se cache. Les services d'immigration sont à ses trousses. Un homme, cireur de chaussures, têtu et obstiné, et d'une exquise politesse, l’aide à échapper à la main implacable de l'administration.
Une chaîne de solidarité se développe alors discrètement, sans chichis et sans grandes phrases. Pas de misérabilisme, pas de musique pour nous arracher des larmes. Les dialogues sont minimalistes, on ne tombe jamais dans le mélo et c'est parfois drôle, comme du Tati. Le film est fait curieusement avec des couleurs un peu atténuées et il est difficile à situer dans le temps, volontairement semble-t-il. Certains visages sont de vraies trognes, on se croirait dans du Zola, les personnages ont la cigarette au bec et lèvent le coude facilement.
Marcel Marx, le cireur de chaussures, habite dans un quartier populaire du Havre où tout le monde se connait. Une sorte d'espace temps indéfini où la nature humaine va révéler son meilleur côté. Quelqu'un a besoin d'aide et on lui tend la main. Cela parait simple et évident. C'est ce qu'il faut faire et personne ne se pose de questions. Oh bien sûr, il y a quand même un délateur (une main, un rideau qui bouge font brièvement penser à l'Occupation) mais il n'arrivera pas à faire échouer les plans et le jeune ado pourra partir à Londres où se trouve sa mère.
A la lumière de ce film formidablement optimiste et des résultats des dernières élections où on nous a beaucoup parlé d'immigration, la question revient encore : les français sont-ils racistes ? Un petit noyau dur, certainement, mais les autres ? On n'y croit pas. Des hommes et des femmes qui ont peur de l'étranger, oui c'est certain. Mais c’est l’étranger pris dans ce qu'il a d’inconnu, l'étranger que l'on ne connaît pas que l'on pense menaçant. C'est une réaction instinctive. Mais dès que l'étranger a un visage, une voix, un sourire, on retrouve le rapport de l'homme à l'homme, et celui-ci se révèle dans ce qu'il a de plus magnifique et de généreux car « l'homme n'est pas un loup pour l'homme et la violence est une réaction par défaut »*
On quitte ce film gonflé à bloc, réconcilié avec le genre humain et en ayant le sentiment d'avoir fait une chose juste. Curieux, car on n’a fait que regarder passivement.
* La bonté humaine, altruisme, empathie, générosité de Jacques Leconte
Le Havre, un film d'Ari Kaurismaki
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Ce que tu dis me donnerais envie de voir ce film, resté si peu à l'affiche que je n'en ai pas entendu parler..
RépondreSupprimerNon, je ne crois pas que le français soit raciste..Tu as très bien expliqué pourquoi...Le français a juste peur qu'on lui vole ses valeurs, sa liberté, sa vie, son identité...Une fois qu'il n'a
plus de crainte, il regarde l'autre avec sympathie...Très bien vu..J'ai bien envie de copier-coller ton article et de mettre un lien chez toi...Je suis sûr que mes lecteurs auraient plaisir à
découvrir ce film méconnu...Dommage que je peine à faire marcher mon lecteur DVD-cassette, enregistreur..Il a trop de trucs..
RépondreSupprimerNous l'avons regardé en DVD. Mon mari est normand alors forcément cela avait attiré notre attention et nous avions vu de bonnes critiques. Merci pour ce commentaire.
Mais dis-moi tu n'est pas en avance ! Le Havre est sorti en juillet 2011 si j'ai bonne mémoire et nous sommes allés le voir à Vannes en aout. André Wilms est sublime, il tient le film à lui tout
RépondreSupprimerseul, et l'actrice qui joue le rôle de son épouse est aussi très émouvante, Daroussin le commissaire est également très bon. Oui, c'est un très beau film, décalé et plein d'optimisme. B. Eric
RépondreSupprimerC'est resté si peu de temps à l'affiche que pfft ! pas eu le temsps de le voir. Nous avons acheté le dvd. Bon we.