lundi 29 août 2011

Annecy, le lac, les pédalos et les sushis

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Annecy est entre nuages et soleil et il fait un peu froid en cet été finissant. Des arbres distraits s'y sont trompés et perdent déjà un peu leurs feuilles.

L'eau du lac est incroyablement transparente et claire. Il parait que le lac d'Annecy est un des plus propres d'Europe. En marchant sur le bord, tout près de l'asphalte et de la route, on distingue parfaitement les petits cailloux qui sont au fond. 

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 Le long de la rive sont alignés sagement des pédalos. Ils sont tentants ces pédalos, cela donne envie d'en louer un. Mais cela fait partie des désirs qu'il vaut mieux ne pas réaliser. Sinon, on se retrouve sur l'eau, un peu bête, à pédaler pour aller nulle part, juste pour pédaler. On a réalisé  trop tard un rêve de gosse et on regrette ne ne pas l'avoir laissé à l'état de latence. Certains souhaits sont fait pour être pensés mais non exaucés et une promesse de plaisir vaut autant que le plaisir lui-même.

Ce soir nous allons dîner dans un restaurant japonais. Oui, je sais, cette sushimania est un peu fatigante. Les sushis étant tendance depuis pas mal de temps, on trouve de tout et n'importe quoi (surtout n'importe quoi). Comme vous, je me suis lassée de cette cuisine japonaise réduite à sa plus simple expression et « revisitée » avec du nutella. Alors je n'étais pas très enthousiaste mais le restaurateur qui me l'avait conseillé l'était, alors nous avons tenté notre chance.

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Nous avons eu raison et je n'ai rien regretté, ni mon omelette à la chair de crabe et aux crevettes gelée de dashi, ni mes nouilles au thé vert dans un bouillon d'été et tempura de gambas ni enfin mon blanc-manger et glace au thé vert qui constituaient le menu découverte. Le chef venait de Kyoto et sa femme était française. La serveuse était fine et frêle et, avec mon petit mètre soixante, me donnait l'impression dêtre une armoire à glace. C'était un vrai japonais, non un chinois ou un coréen japonisé. J'y ai retrouvé là, non seulement le rafinement et la présentation que j'avais vus au Japon, mais aussi leur l'exquise politesse (ne pas confondre saluts et courbettes ; politesse et servilité). Et tout cela  pour la modique somme de 24€. Même pas le coup de bambou.



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mardi 23 août 2011

Lettre du 23 août : retour de plage.

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Ma petite tante,

 Les vacances sont finies et nous sommes rentrés hier. Comme les valises sont déjà rangées, j’ai un peu de temps à te consacrer.

 Je dois te raconter ma toute dernière après-midi de plage. 
La journée avait été parfaite mais hélas, le lendemain il fallait quitter l’île et rentrer. C’est en remontant le long raidillon d’accès qui menait à la voiture que je les ai aperçues. J’ai ralenti le pas pour observer le joli tableau qu’elles formaient. Petites filles blondes et toutes bronzées, elles avaient à peu près trois et cinq ans. Fatiguées par une après-midi de soleil, elles ne marchaient pas bien vite mais se tenaient par la main. J’ai entendu la plus grande dire à sa petite sœur : « …et puis quand on arrivera, on prendra le bain et je t’aiderai à dîner… ». 

On aurait dit des enfants modèles, des enfants témoins, tu sais, une sorte de publicité pour la famille, comme ces maisons témoins si parfaites qu’elles te donnent envie d’y vivre. Comme si ces petites filles si sages avaient été mises en scène pour t’attendrir et te convaincre que la vie est un long fleuve tranquille, paisible comme un champ de blé mûr et reposante comme la vue d’un lac de montagne.

A la maison, elles se disputaient sans doute : la grande faisait pleurer la plus jeune ou la petite chipait les jouets favoris de son aînée. Mais juste pendant ces instants là, on se serait cru dans les Petites filles modèles de la Comtesse de Ségur.

Je n’ai pas cherché à voir leur visage. Je suis restée sur cette image idyllique de la grande sœur qui aidait sa cadette fatiguée à oublier la raideur du sentier. Et j’ai emporté avec moi cette image d’Epinal, joli point d’orgue de ces vacances bretonnes.

 J’essayerai de passer un moment dimanche pour te faire une petite visite.

Je t’embrasse.

Ta nièce affectionnée

 

Florence

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mardi 16 août 2011

Lettre du 14 août : la petite danseuse

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Ma petite tante chérie, 

 Voilà bien longtemps que je ne t’ai écrit. Aujourd’hui c’est un peu triste car nous avons un temps très breton et la mer, brillante et éblouissante hier, semble être complètement plombée. Je suis allée courir sur la côte sauvage pour me changer les idées. Tout au bout d’une pointe de rochers abandonnée, j’ai joué à faire l’ange comme Kate Winslet dans Titanic. Mais une voiture qui est arrivée a cassé mon ambiance romantique. En rentrant, la brume s’était épaissie. Avec le bruit de la mer au loin, le cri de mouettes solitaires et la lande, il ne manquait que les cris d’Headcliff pour se croire dans un livre d’Emilie Brontë. 

Bon, allez, je m’égare. Je t’ai promis de te parler cette petite danseuse d’Edgar Degas. Je l’ai revu à Boston au Museum of Fines Art. Je l’ai trouvée saisissante de réalisme. Cette fois-ci, le ruban de ses cheveux avait été changé pour nous montrer comment il était d’origine. Pour moi, ils auraient pu en faire autant avec la soie et le tulle de sa jupe.

 Mais je m’aperçois que je te raconte l’histoire en partant par la fin. Alors je t’explique. Ma science est toute neuve car l’histoire de cette petite danseuse de 14 ans m’a intéressée et je suis allée creuser un peu plus loin.

Donc Degas expose cette œuvre pour la première fois en 1881 et on ne peut pas dire qu’elle soit bien accueillie. Réactions de l'époque : « Nous voici face à un petit rat de l'Opéra crasseux, aux bas en tire-bouchon, les traits tirés, le menton obstinément levé, révélant un trop gros effort de maintien. » On l’accuse de représenter la petite fille de manière bestiale, on la compare à un singe ou un aztèque… On lui trouve un visage « où tous les vices impriment leurs détestables promesses, marque d'un caractère particulièrement vicieux ». Et comme la statue est en cire colorée à l’origine et que Degas a poussé le réalisme jusqu’à ajouter de vrais cheveux avec un ruban, un tutu et des chaussons, le tout dans un cage de verre, il se fait traiter en plus de taxidermiste. 

Wahou, il y a de quoi être un peu énervé ! Quelle agressivité, quelle hargne dans ces citriques ! On ne s’étonne pas si, après être vilipendé de la sorte, Degas ne veuille plus exposer ses sculptures de son vivant. En fait, il dérange tout le monde par son réalisme. Il faut dire aussi, qu'à cette époque, les danseuses évoquent un monde à part, un monde de license et de soirées hors du foyer familial et qu’il ne fait pas bon d’évoquer dans cette société guindée et tout en codes et règles rigides. Nous avons d'ailleurs retenu de ce temps-là l’expression « c’est sa danseuse » en parlant du hobby ruineux de quelqu’un... Les bourgeois-critiques ne font donc en fait que projeter la noirceur de leur âme sur cette petite danseuse de 14 ans. 

Quant à la pauvre fille qui sert de modèle, sa vie n’est pas aussi rose que son tutu (d’origine). Elle sèche les cours de danse, se fait renvoyer de l’Opéra et finit par se prostituer. Un schéma trop connu. À l’époque, une fille perdue a bien peu de chance de retrouver son chemin et n'a aucun filet de sécurité. Il n’empêche, je trouve que cette petite danseuse en bronze semble bien vivante. Elle donne l’impression d’être prête à s’échapper pour faire quelques pas… de danse.

Ma chère tante, je t’ai écrit une longue lettre mais c’était un sujet à tiroirs et je n’ai pu m’empêcher d’en ouvrir quelques uns.  

Ta nièce affectionnée

Florence

 

Ps : je n’ai pas pu porter ma lettre à la poste à temps (et de toutes façons avec le 15 août, elle ne serait pas partie) alors j’en profite pour la rouvrir et te dire qu’aujourd’hui il fait très beau et que nous allons tous ensemble à la pêche. 

                                                                      Degas pied  Degas pied2 

 

 

Degas sculpteur et le réalisme audacieux...

La saga Degas

Musée d'Orsay, Edgar Degas


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vendredi 12 août 2011

les chemins creux, les ronces et la mer...



ronces

Elle a décidé de recommencer à courir. Pas des entrainements de brutes, non juste des petites sorties modestes. Alors un jour, elle met sa plus jolie tenue (elle finira probablement écarlate, mais pas de raison de ressembler à un épouvantail pour autant) et elle part, pleine d’enthousiasme. C’est dur de s’y remettre mais elle est très fière d’elle. Elle court un peu, marche un peu et retrouve le rythme.

Il a beaucoup plu la veille et il y a de grosses flaques. Elle ne veut pas salir ses jolies chaussures roses et blanches. Alors elle marche sur ce qu’elle croit être le talus et pfuit ! … s’écroule dans un fossé rempli des ronces. Outch, ça fait mal ! Elle cherche à se redresser… pchiiit… clac ! Sa mâchoire heurte le fil à vaches du champ voisin. Elle est sonnée, ses jambes sont griffées, des épines se sont plantées un peu partout. Sa montre est tombée au fond du fossé. Elle la récupère. Outch, ça pique ! Des vaches blanches et noires sont vautrées dans le champ voisin. Stupides vaches, vous trouvez cela drôle ? Grrr ! Vous finirez en steak, bien fait pour vous !

Mais le ciel est toujours aussi bleu et la côte sauvage n’est pas loin. Des chemins creux l’y mènent très vite. Il fait chaud dans ces chemins. Comme un concentré de chaleur. Tout est silencieux et calme. Un parfum un peu sucré flotte dans l’air. Ce parfum indéfinissable de lande et de fleurs qui fait tout de suite penser à l’été et au bord de mer. Elle arrive à la côte et marche un peu en admirant la mer… c’est beau, elle est récompensée de ses efforts. Elle en sourit de bonheur.

Oups ! Des marcheurs pas loin. Elle repart et adopte l’allure de la sportive à l’aise dans ses baskets. Longues foulées et l’air dégagé de celle qui court trois fois par semaine ses dix kilomètres. Elle sait que son débardeur vert pâle fait ressortir son bronzage (elle l’a mis exprès). Elle les dépasse en les saluant pour montrer qu’elle a du souffle… fff… fff !  Ils sont passés et elle est cachée par un repli du terrain. Ffuitt! Elle peut s’arrêter et souffler un peu. Elle a assez couru et décide de rentrer.

Elle a des jambes de guerrières, un bleu à la mâchoire mais elle est contente… Et elle saura rester discrète sur sa sortie car Mari Chéri, toujours enthousiaste, aurait vite fait de l’inscrire dans ce que les traileurs appellent entre eux, un trail de bébés*, soit 10 km de sentiers infernaux.

Mais elle recommencera.


 


*cf billet du 9 juillet


 


 





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mardi 9 août 2011

Le départ du bateau

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 Leurs amis sont venus sur l’île pour quelques jours. Ils doivent maintenant retourner « en France », comme disaient les iliens autrefois. Ils vont reprendre le bateau. Pas le ferry ou le bac, non, ici, c’est « le bateau ». Quarante cinq minutes de traversée.

 Dernier verre à une terrasse, devant le quai. Ils surveillent du coin de l’œil la progression de l’embarquement. Puis ce sont les adieux : « Merci de votre accueil », « Nous étions si contents de vous voir », « Vous n’aurez pas trop de monde sur les routes » … Toutes ces phrases habituelles que l’on dit sans y penser vraiment. Pour d’autres, au bateau, ce sont parfois des étreintes émues, des yeux qui brillent et des phrases chuchotées. Des parents qui laissent les petits en vacances chez les grands-parents ou des amoureux qui se séparent.

 Les amis embarquent. On regarde distraitement le spectacle toujours le même et toujours recommencé, du largage des amarres. On essaie de s’apercevoir une dernière fois : « Ils sont là, sur le pont du haut ! » Quelquefois, vite, on court à la jetée du phare rouge, à la sortie du port, pour un dernier geste d’adieu et les derniers baisers mimés.

 Mais inexorablement, le bateau s’éloigne. Alors, tout d’un coup, on se sent tout seul, abandonné. Le quai est vide, toute cette animation est terminée. Comme dans une gare lorsque le train est parti. Après toutes ces émotions, rires ou pleurs, on est comme dégonflé, sans énergie et sans force.

 Puis on se rappelle que ce sont eux qui ont partis et que nous, nous sommes encore en vacances… qu’il faudrait penser à acheter du pain… et si on faisait des maquereaux au barbecue ce midi ?… Tiens, le vent est tombé, on va pouvoir vite aller se baigner avant le déjeuner.

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jeudi 4 août 2011

Lettre du 4 août : Boston, museum of Fines arts.

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Ma chère tante,

 Aujourd’hui il pleut, une petite pluie fine et continue qui va durer jusqu’au soir. Nous n’allons pas à la plage et j’ai le temps de t’écrire quelques lignes. Je me suis aperçue que je ne t’ai presque pas parlé de ma visite au musée de Boston, the Museum of Fine Arts.

 Question : Edgard Degas, était-il un autre affreux célibataire endurci à l'esprit acéré mais misogyne ? Je t’explique. Au détour d’un couloir nous avons découvert la section européenne du musée où, en vrac, étaient exposés des Corots, Monnet (une meule, un ou deux nénuphars…), quelques Gauguin, Millet… et deux ou trois tableaux de Degas, dont celui ci-dessus Visite au musée. C’est drôle ce tableau, c’est l’arroseur arrosé, comme si on se regardait regarder. 

 Alors où est le problème ? Lis ce cadre explicatif que je t’ai photographié (oui, c’était autorisé) et tu comprendras.


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 Je te traduis car ton anglais est peut-être un peu rouillé. Il est écrit (traduction respectueuse du sens mais très libre) : Cette toile appartient à un ensemble de portraits dans lequel Degas peint des femmes regardant des œuvres d’art dans les musées. Se référant à une autre toile de la série, Degas fit remarquer au peintre britannique Walter Sickert, avec un esprit de contradiction pervers et moqueur, qu’il voulait « donner une idée de la réaction des femmes devant l’art : elles n’y comprenaient rien, ne ressentaient rien et s’ennuyaient ferme en les regardant tout en étant respectueusement impressionnées »

Hé bien, nous voilà rhabillées pour l’hiver ! Il faut traverser l’Atlantique pour lire cela….Pfff ! Il exagère, quand même, le cher Degas !

 Bon, soyons juste, Degas est un peu acerbe mais il a quelques excuses. A l'époque de ses propos, les femmes étaient mineures à vie, passaient de l’autorité paternelle à celle maritale et, quand elles ne se mariaient pas, devenaient une non-entité sociale, un ratage et étaient soupçonnées de je-ne-sais-quel défaut inavoué. Quant à penser par elles mêmes, là franchement, cela faisait rire, rien que de l’évoquer. La science n’était même pas certaine qu’elles aient un cerveau. Il faudra attendre la première guerre mondiale pour que, tous les moustachus étant partis défendre l’honneur et la patrie, ces messieurs se rendent compte que les femmes pouvaient faire tourner le pays, les exploitations et la maison, sans eux.

 Mais je m’échauffe, ma petite tante. Allez, on lui pardonne, hein ? On oublie l’homme et on garde l’artiste. On dira qu’il était prisonnier des préjugés de son temps. Tu es d’accord ?

 Et puis, malgré ma mauvaise foi rampante, je me dois de te copier ce que Gabriella Assaro a écrit sur lui : Contrairement à une certaine image misogyne de Degas, son travail montre une attention dépourvue de mépris et de moralisme à l’égard à l’égard des femmes. Autrement dit, il nous prenait pour des gourdes et mais ne nous en voulait pas. Bon, allez, j'arrête. Accusé Degas, vous êtes innocent et libre ! 

 Quelques autres petites nouvelles : nous sommes allés à la plage tous les jours car il a fait beau jusqu’à aujourd’hui. J’ai bien reçu ton colis. Merci pour les sucres d’orge pour les enfants. 

Je te laisse, il me semble que contrairement à mes prévisions pessimistes, cela s’éclaircit, nous allons peut-être pouvoir sortir.

Petite tante, je t’embrasse

Ta nièce

Florence

Ps : la prochaine fois, je te parle de la petite danseuse de quatorze ans. Là, je n'ai plus le temps.

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