lundi 19 décembre 2011

Hambourg sous la neige.

 

Décembre 2010

 

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Elle est venue dans la ville pour quelques jours. Il neige à gros flocons et c'est magique. Le sol est blanc, le toit des cahuttes de Noël est blanc, les sapins sont blancs, de la vraie neige bien poudreuse, pas sortie d'un spray. 

 Chants de Noël au coin des rues. Les notes se mêlent à l’air glacé et vaporeux. Pour une fois, on supporte bien ces ritournelles reprises chaque année, sans se lasser. La musique à flonflon est transformée et devient presque agréable à l'oreille. On se surprend à écouter avec attendrissement cet accordéoniste de rue qui massacre Mon beau sapin

 De petits marchés de Noël sur toutes les places, du kitsch et du moins kitsch, des articles venus de Chine mais aussi de vrais artisans avec quelques trouvailles qui feront des petits cadeaux inattendus. Ici, sur la place du Rathauss, une petite maisonnette où l'on entre au compte-gouttes : à l'intérieur de féériques décorations de Noël, brillantes et fragiles. Elle craque pour quatre déco bleues et blanches, juste celles qui lui manquaient. 

 Les parfums aussi se mélangent : la cannelle du vin chaud, l'odeur doucereuse des bougies à la lavande ou au miel, des effluves de friture, de crêpes... tiens, pas de tartiflette ici. 

 Du monde à tous les stands. Elle finit par acheter des marrons chauds qui ont l'unique mérite... d'être chaud. Pour ne pas mourir étouffée, elle commande à boire. Elle préfère s'abstenir et laisser à d'autres les mélanges inconnus qui tournent sans arrêt dans les appareils automatiques. L'un est doré avec une pellicule orange qui flotte à la surface... Elle ne saura jamais ce que c'est, car avec son allemand rudimentaire elle renonce à demander. Elle prend un capuccino. La serveuse a un gilet tyrolien et ressemble avec ses fausses nattes à une Heidi un peu triste qui aurait trop grandi.


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La rivière est à moitié gelée et des mouettes sont posées sur des blocs de glace. 

Elle rentre à l'hôtel, il neige toujours et des bruits de pelle familiers se font entendre. Sa fenêtre de chambre, est à hauteur de la cime d'un immense sapin. A côté, celui de quelques mètres qui a été enguirlandé de lumière, parait tout petit. La placette est un camaïeu de blanc. Oui, c'est possible un camaïeu de blanc, venez ici et elle vous montrera : le sapin enguirlandé, son grand frère au naturel, les trottoirs, la route et ses deux voies tracées bien nettement dans la neige, la vitrine toute blanche du magasin de luxe d'en face, et même l'immeuble du magasin en pierres blanches. 

 C'est joli. 

 Mais c'est fini, il ne neige plus, ces instants sont passés, la magie est partie et le gris va bientôt refaire surface.

 

Le lendemain 

 La neige est toujours là et le soir elle retourne à son marché de Noël préféré. Ils ferment plus tard qu'en France. De nuit c'est encore plus magique. Ici tout est en bois et il n'y a pas de lampes de couleurs, pas de bleus et de rouges agressifs, mais du blanc et le vert des sapins coupés. C'est le rendez-vous des hambourgeois qui viennent boire et dîner là. Chaque point qui vend du vin chaud rassemble quelquefois 100, 150 personnes. Toutes les cahuttes ont le même système : on paie la boisson qui est servie dans une tasse en céramique avec décoration de Noël. La tasse est consignée et comme tous les stands ont les mêmes, on peut la rendre n'importe où et se faire rembourser. Simple, agréable et écologique. Elle découvre  encore d'autres artisans uniques. Cela lui fait penser à Montbéliard et aux marchés de Noël de l'est de la France. Ce n'a pas l'air spécialement touristique, mais elle ne trompe peut-être. Après elle ne traîne pas trop et rentre un peu frigorifiée à son l'hôtel tout près. Il fait - 5°C, le froid est mordant ce qui n'incite pas à faire beaucoup de shopping.


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jeudi 15 décembre 2011

Un autre lièvre...

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Une pluie froide tombe sans arrêt. Elle part quand même courir. Le temps n'est guère engageant mais la température n'est pas si basse qu'il ne semble. L'eau de la rivière est trouble et opaque. On n'y distingue plus les truites comme il y a quelques semaines.

Cette fois-ci, elle l'a entendu arriver. Un pas lourd et ferme. Il la dépasse sans effort d'une foulée énergique. Lui court tête nue, sans gants et en short. Il a les jambes bronzées. Mais d'où revient-il ce lièvre-là pour être bronzé comme cela ? D'îles lointaines où il est allé s'entraîner ? Ses jambes sont musclées et fortes comme ceux qui font du trail pour s'amuser et avalent 1000m de dénivelé sans effort. Contrairement à son lièvre-gazelle de la fois dernière, celui-ci est puissant et compact. Mais lui aussi court vite, vite, et s'éloigne rapidement.

 Vexée d'être toujours laissée sur place et lassée de son allure de sénateur, elle accélère un peu... pff pfff ! C'est dur. Heureusement un lacet défait lui permet d'avoir un prétexte pour faire une pause. Sa sortie est presque terminé. Il pleut toujours. Une dernière volée de marches et elle est arrivée.

Elle est mouillée mais contente. On se sent toujours bien après l'effort. Et puis plus tard, il y aura forcément un moment où elle pourra se la jouer un peu, parfaire son image de sportive intrépide et laisser tomber négligemment : « Ah, oui, c'est vrai, il pleuvait ce matin. Tu sais, je n'ai pas fait très attention, moi, je sors par tous les temps. »


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lundi 12 décembre 2011

Intouchables, en plein dans le mille !

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Il parait qu'Intouchables n'est pas politiquement correct. Le film qui fait un tabac en France est épinglé aux US comme raciste ! Sensibilité différente de deux peuples ayant un passé différent. Cela sent très fort la mauvaise conscience. Il semble que les US aient du mal à oublier leur passé d'esclavagiste et interprètent des situations où nous, Français n'ayant pas le même passé, ne voyons rien de mal. Comme le disait un chroniqueur, dans le film, ce qui déplaît de l'autre côté de l'océan est qu'Omar Sy soit en situation de servilité. En fait s'il était chef de gang ou en position de commander, pas de problème. Mais son rôle est celui d'un domestique « grosso modo, le personnage d'Omar Sy y est perçu tel un singe de compagnie qui n'a pour seul attribution que de divertir l'homme blanc » (cf ce lien) Les US préfèrent un autre film La couleur des sentiments qui traite de la condition noire du personnel de maison dans les années 60 dans le Mississipi. Il a un énorme succès aux US, c'est un joli film mais il est pourtant plein de clichés et un peu manichéen.

Certes, sans aucun doute, cette rencontre entre deux exclus est féroce parfois. Il suffit de penser à la réplique « Pas de bras, pas de chocolat » pour en être persuadé. On peut aussi être partagé sur le fait de savoir si c'est un bon film ou pas (lire la critique impitoyable de Libération 14 novembre 2011). Mais raciste, surement pas ! 

On n'ose penser à la réaction des bien pensants si Les aventures de Rabbi Jacob sortaient aujourd'hui. Ce serait l'émeute. Alors impossible de résister au petit plaisir de rapporter le dialogue hilarant entre Pivert (Louis de Funès) et son chauffeur :

Pivert : Vous avez vu la mariée ?
Le policier : Oui.
Pivert : Elle est noire ! Elle est même pas café-au-lait, elle est noire. Et lui, il est blanc.

...

Pivert : Vous avez vu Salomon, ils ont des voitures maintenant ! Héhéhé, ils ont des Rolls Blanches, les noirs !
Salomon : En tout cas c'est pas à Monsieur que ça risquerait d'arriver...
Pivert : Quoi donc ?
Salomon : Que Mademoiselle épouse un noir !
Pivert : Qu'est-ce que ça veut dire ça ?
Salomon : Que Monsieur est peut-être un peu raciste !
Pivert : Raciste ? Moi, raciste ? Salomon ! Raciste ? Enfin Dieu merci, Antoinette épouse un français bien blanc, bien blanc ! Il est même un peu pâlot, vous ne trouvez pas ? Avec ses p'tits boutons...
Salomon : Et son cheveu sur la langue.
Pivert : Il a un cheveu, mais il est riche ! Riche comme moi et catholique comme tout le monde !
Salomon : Pas comme tout le monde, Monsieur, parce que moi, par exemple, je suis Juif.
Pivert : Vous êtes Juif ! Comment, Salomon, vous êtes Juif ? Salomon est Juif ! Oh !
Salomon : Et mon oncle Jacob qui arrive de New York, il est Rabbin !
Pivert : Mais il est pas Juif ?

Quel dommage, l'auto censure actuelle. Mais qu'on soit rassuré, business is toujours business. Les droits d'Intouchables seraient déjà achetés en vue d'un remake à l'américaine. Et qui donc tiendra le rôle d'Omar Sy ?


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lundi 5 décembre 2011

Le lièvre.

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Pfuiiit ! Elle ne l'avait pas entendu arriver. Il la dépasse sans effort. Elle a tout juste le temps d'apercevoir une masse de cheveux châtain, drus et épais.

Et il court vite, vite. Il a la foulée souple et élastique des jeunes hommes pour qui le sport se fait sans effort apparent. Elle cesse de penser à autre chose et le suit des yeux.

Et il court vite, vite. Sa silhouette en noir s'éloigne déjà. Fin et léger, il semble glisser sur ces chemins du bord de la rivière. 

Et il court vite, vite. Il a la cadence rythmée de ceux pour qui cet exercice est devenu si facile. Il a atteint le prochain pont. Elle le perd de vue. Mais elle est déjà arrivée. Cet inconnu lui a rendu sa course plus facile.

Ignorant l'aide qu'il lui a apporté, son lièvre élégant et gracieux continue à courir.

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samedi 3 décembre 2011

Le vide.

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Depuis plus de dix ans elle est dans une association. Au fil des années c'est devenue une grosse association qui prend de plus en plus de place dans sa vie, presque un mi-temps. Mais un jour elle décide de partir. Parce qu'il faut partir un jour, parce que tout marche bien maintenant et parce qu'elle est loin. Et elle part. 

Et alors c'est le vide. Vide dans sa vie tout d'un coup. Elle s'y attendait mais n'appréhendait pas son ampleur. L'association a petit à petit pris la place des enfants qui grandissaient, du mari qui était souvent loin et lui a ouvert des fenêtres sur la vie. Car elle n'a jamais travaillé. Une famille nombreuse, des déménagements fréquents, et la vie a choisi pour elle. Elle l'a laissé faire passivement, un non-choix en somme.

Devant ce vide elle pense à tous ceux qui ont eu leur choix forcé. Ceux qui se lèvent le matin et ont ce trou béant devant eux. Ceux dont le contrat ne sera pas renouvelé ou ceux qui n'en ont jamais eu. Ceux qui sont découragés car ils ne savent pas s'ils pourront payer le loyer ou les traites de la maison, ou la cantine du petit dernier. Un vide qui les empêche d'avoir une identité. Car on existe par ce que l'on fait, et pas toujours par ce que l'on est. On le sait déjà tout petit puisqu'une une des premières questions posée dans la cour de l'école est : « Ils font quoi tes parents ? ». 

Alors devant ce vide énorme qui risque de l'aspirer, elle se dit qu'elle a de la chance et elle lui tourne le dos pour repartir à grands pas vers d'autres horizons.


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dimanche 20 novembre 2011

Intouchables intouchés.

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Histoire d'une sucession de rendez-vous manqués.

C'est le film du moment alors, comme tout le monde, elle a envie d'aller le voir. Mais elle n'aime pas aller au cinéma seule et Mari Chéri est sans arrêt en déplacements. 
Elle décide d'y aller avec une amie et achète ses tickets sur le net. Puis l'amie appelle pour dire qu'elle est malade et la sortie est annulée. Elle a juste le temps de se faire rembourser ses billets.
Pas grave, comme elle se rend à Paris, elle ira avec un des ses enfants. Le rendez-vous est pris un soir. Mais voilà, ils ne sont pas les seuls à avoir eu la même idée et n'ont pas pensé à réserver. C'est la veille d'un long week-end et les bornes de billets à Châtelet/Les Halles sont prises d'assaut. Ils patientent mais juste avant leur tour, apprennent que les deux salles dans lesquelles le film passe sont complètes. Déçue, elle rentre surfer sur le net.
Mari Chéri finit par rentrer des Amériques lointaines et le film passe toujours dans sa ville, encore une fois dans deux salles. Cette fois-ci, prévoyante, elle achete ses places à l'avance. Ils se présentent donc à l'heure dite pour enfin voir ce film tant désiré. La salle est déjà complètement pleine, il reste bien deux fauteuils de libres mais distants de plusieurs rangées : « Allez dans la salle 6, il y a encore des places » leur dit un employé. 

Vite, vite, ils y courent et trouvent deux fauteuils côte à côte. Ouf ! Les pubs passent puis le film commence... Carrée dans son fauteuil elle s'apprête à savourer ce film bien mérité. Elle va enfin le voir. Les images commencent à défiler, Honk kong, Chicago... Le doute s'installe. Raaaagh ! Mais que fait Matt Damon dans son film ?! Noooon... l'employé s'est trompé de numéro, elle est en train de regarder Contagion ! Mais ce n'est pas cela du tout qu'elle voulait. Donnez-lui son film !

Finalement, découragée, dépitée et désbusée, elle renonce pour la soirée à courir après ce fauteuil roulant qui lui échappe sans cesse et regarde comment un virus tueur essaie de décimer la moitié de la population de la planète.

A ce jour, elle n'a toujours pas vu son film mais elle espère toujours.


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vendredi 18 novembre 2011

Grains de sable...

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C'est l'époque des prix littéraires : Goncourt, Renaudot, Fémina... alors nous les trouvons dans les librairies avec le bandeau rouge. Et puis, bientôt, on pourra les télécharger. Car on lit de plus en plus sur écran.

La frontière entre le virtuel et le réel s'amenuise. Pourtant, le papier a des atouts que n'a pas, et que n'aura jamais le virtuel. Il manque aux livres électroniques tout le côté émotionnel et sensoriel de son homologue papier. On peut imiter le bruit des pages que l'on tourne mais il manquera toujours le touché et l'odorat. On ne peux reproduire l'odeur du livre, ce parfum d'encre fraîche qui nous faisait aimer la rentrée et les livres neufs. On ne peut remplacer l'émotion qui vous saisit lors qu'on ouvre un livre oublié et que l'on le feuillette pour retrouver les passages aimés, ou encore lorsqu'on respire cette odeur un peu renfermée caractéristique des livres des maisons de vacances ou achetés dans les brocantes .

Un ebook qui tombe, c'est une catastrophe, au mieux une grosse peur, au pire des milliers de mots qui s'éparpillent à jamais sur le sol et la carte de crédit qui reprend du service. On ne peux le balancer négligemment au fond d'un sac ou d'une valise. Lorsque que le livre papier tombe, ce n'est jamais très grave. Quelque fois, il s'ouvre tout seul à la page où se sont coincés des grains de sable, et on se rappelle  la plage de X où on a été follement amoureux, ce bel été là. Ou encore on retrouve comme marque-page une carte d'embarquement d'un vol pour des vacances lointaines. 

L'ebook n'aura jamais cette dimension émotionnelle du livre. Chaque livre papier est unique et a sa propre identité, chaque livre papier enferme un histoire, des vies qui tiennent dans notre main. L'ebook est une bibliothèque à lui tout seul et cet immense avantage pour le savoir devient un handicap pour nos émotions. Car si l'ebook est pratique, il est aussi impersonnel et froid. Alors s'il complète le livre papier, il ne peut le remplacer.

Des grains de sable dans un ebook, c'est un désastre, mais des grains de sable dans un livre, ce sont des émotions et n'est-ce-pas le propre de l'homme ?

 

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vendredi 11 novembre 2011

Du rose sur fond gris.

Du rose sur fond gris

Paris, par un lugubre matin de novembre.

Un des ces matins où on souhaiterait bien rester sous la couette. C'est un jour férié et on n'a pas trop de raisons de se lever. Calé au fond du lit on souhaite que la journée passe bien vite car tout est gris : le ciel est gris, les immeubles sont gris et c'est gris dans sa tête. Mais par la force de l'habitude et parce qu'on a toujours été raisonnable et sage, on finit par se lever. Maussade, on se traîne jusqu'à la salle de bains. Pfff, quelle tête on a ! Et puis en passant devant le balcon, on voit du coin de l'oeil une tache rose. On s'approche, pas très bien réveillé tout de même et, oui... on ne s'est pas trompé, une des jacinthes que l'on a plantée au printemps refleurit. Petite et rabougrie mais définitivement fleurie. Alors on contemple cette petite fleur qui se s'est trompée de saison et on se dit que tout va décidément bien mal : la crise grecque, la crise italienne, la crise espagnole... si en plus, la nature s'y met !

Quand même, on repasse devant le balcon et on regarde à nouveau cette toute petite fleur de printemps... et puis... on ne sait pas... il semble alors que le ciel n'est plus tout à fait gris, que la ténacité de cette petite fleur à survivre nous réconforte, on pense à Wall-E... l'esprit vagabonde. Et finalement, c'est avec un air décidé que l'on prend son portable et on que l'on appelle des amis pour aller au cinéma et passer la soirée ensemble.

La petite fleur, elle, continue son bonhomme de chemin, mais on attendra qu'elle gèle pour la remplacer et planter de nouveaux bulbes de printemps.  

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jeudi 27 octobre 2011

Cette heure en plus...

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Dimanche, dans la nuit, on change d'heure. On passe directement de l'été à l'hiver.

On vit une heure de plus alors ? Une heure gratuite ? Et pourquoi ne pas la mettre l'après-midi plutôt que la nuit, cette heure ? On pourrait la vivre réellement deux fois. L'occasion de mieux faire ce que nous avons déjà fait, ou de faire complètement autre chose, au choix. Oh, il faudrait en prendre soin de cette heure exceptionnellle. Imaginez un peu : on pourrait faire quelque chose de nouveau, de complètement inutile. On s'accorderait un petit plaisir gratuit, comme aller au parc regarder des enfants s'amuser ou discuter avec son voisin ou encore bailler aux corneilles en rêvassant. Ce ne serait pas grave puisque de toutes façons cette heure n'existe pas vraiment. Bien sûr les plus sérieux ou consciencieux en profiteraient probablement pour refaire ce qu'ils n'ont pas bien réussi, cette présentation qui n'est pas au point, ou finir un travail urgent ou encore sauver le monde. Mais ce serait une heure que l'on vivrait pleinement. Tandis que là, dans la nuit de dimanche, on ne saura même pas que pour une fois 1 = 1+1 puisque la majorité d'entre nous sera dans l'inconscience du sommeil. Il n'y a que les pauvres insomniaques qui devront égrener 60 minutes de plus cette nuit là.

Alors, faute de la vivre en direct, cette heure de plus, on la vit en différé. Dimanche matin, en nous réveillant, on se sentira tout drôle, quelque chose aura changé... oui la lumière ne sera pas la même. Et si on ne travaille pas ce jour-là, on restera paresseusement au lit une heure de plus... mmmm... quel plaisir, ne pas avoir besoin de se presser pour s'occuper des enfants ou préparer le déjeuner.  Et puis le soir, on se dira « Tiens il n'est que 10h et j'ai déjà sommeil  ?... Ah, oui, il est 11h en vrai » En vrai de quoi au fait ? Et on restera embrouillé quelques jours dans cet hiver qui est arrivé si vite.

Et l'année prochaine, fin mars cette heure supplémentaire dans notre vie disparaitra comme elle est venue, ce sera le l'heure d'été tout d'un coup.

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Qu'est ce que le temps ? Marcel Aymé le dissèque pour vous dans deux nouvelles un peu oubliées mais fascinantes,  La carte et Le décret. Voir aussi ou revoir C'était demain de Nicholas Meyer.



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samedi 22 octobre 2011

À la piscine

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Sept heures, un matin de semaine, à la piscine municipale.

Il s'est inscrit à un triathlon* alors il faut qu'il s'entraîne. Son temps est minuté : à 7h il passe la porte, à 7h02 il est dans l'eau et commence à nager, à 7h30 pile il sort et va prendre sa douche et se rhabiller, à 7h35 le taxi est là pour le conduire chez le client où il est en mission pour la semaine.

A Paris il nage dans sa ligne et fonce sans se soucier des voisins et de ceux qui sont sur son passage. Seulement voilà, il n'est pas à Paris. Il est dans une petit ville de province tranquille. Ici il n'y a pas de lignes et le petit basin de 25 mètres est envahi par des têtes grises dès l'ouverture. Des retraités qui font un peu de sport sur les conseils de leur médecin. Ils se réveillent tôt, alors ils viennent à la piscine, parce que cela sera fait, parce qu'après ils doivent aller faire les courses, et puis après préparer le déjeuner et après aller à leur cours de peinture ou chez le coiffeur et que et que... ils ont peur que le temps leur échappe et ils font les choses dès qu'ils le peuvent. 

 Ce matin il essaie de nager. Il contourne trois mamies qui font la brasse tranquillement au milieu du bassin et prennent toute la place (et une grande largeur). Il n'ose pas les bousculer, elles lui rappellent ses grands-mères et puis elles lui font un sourire, charmées par ce beau et athlétique jeune homme si poli qui s'entraîne avec tant d'énergie. Et là, c'en est fini, elles sont trop gentilles, il ne peut vraiment plus faire le bulldozer !

Il se résigne et finit son entrainement en navigant à vue. Mais il se promet de demander au maître-nageur de mettre les lignes d'eau.



*1500 mètres de natation, 40 km de vélo et 10 km de course à pied

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dimanche 16 octobre 2011

Les russes du métro

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On les entend de loin. Le son déferle dans les oreilles. Ils sont placés à dessein là où des couloirs se croisent et s'entrecroisent et leur musique s'éparpille autour d'eux. Ils chantent et jouent du violon, du violoncelle et de la contrebasse. Elle les a déjà entendu et comme chaque fois, elle s'arrête un moment pour les écouter.

Enfant elle a lu la Comtesse de Ségur, elle a eu peur du Général Dourakine avec sa bedaine et ses terribles colères. Puis Michel Strogoff l'a fait voyager à travers la steppe vers Irkoutsk. Elle a tremblé pour lui et a détesté le traître Ogareff. Adolescente elle s'est plongé dans le monde de Dostoïevski et en a voulu au prince Mychhkin de L'Idiot d'être si naïf. Puis elle est tombé amoureuse du prince André de Guerre et Paix et le Docteur Jivago l'a fait pleurer. 

Les sonorités étranges et rocailleuses de cette langue qu'elle ne comprend pas lui évoque une Russie inconnue et mystérieuse. C'est une Russie sauvage faite de moujiks fidèles et de passion. Elle sait que c'est une Russie d'Épinal qui n'existe pas et n'a jamais existée que dans son imagination de midinette. Elle le sait mais ces chants russes l'émeuvent quand même et éclaire pendant quelques instant les couloirs gris du métro.

Mais elle va être en retard, elle leur dépose une pièce, refuse leurs cd car les a déjà achetés et puis repart.



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mercredi 12 octobre 2011

Le supporter

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Ce jour-là trois rencontres sont diffusées. Il suit la première en pianotant distraitement sur l'ipad. Pour la deuxième il le pose. C'est le match qu'il attend. Un club français, son club joue ce soir. Pas question d'être distrait. C'est le début du championnat et celui-ci joue contre un monument de ce sport qu'il n'a jamais réussi à battre. 

Il connait tous les joueurs, leur force et leur faiblesse. Il applaudit ou tempête et commente les actions. « Magnifique, quel arrêt ! »  « Mais c'est quoi, ce carton rouge ?! » Le match progresse et le score est indécis. Puis nous voilà déjà en deuxième période. La situation est tendue. L'homme se crispe de plus en plus dans le fauteuil. D'ailleurs il n'est plus là, il est là-bas, au milieu de la foule. Il vit le match avec l'assistance surexcitée. C'est bientôt terminé. Le score est serré. Tout peut encore arriver. À une minute de la fin, égalité. L'homme se lève. La femme ne lit plus et l'observe. Debout, le buste penché vers l'avant, tendu, les yeux rivés sur l'écran, il semble vouloir transmettre son énergie à l'équipe. Tout son corps est concentré dans cette volonté de la voir gagner. Il arrête de respirer. Il faut qu'ils marquent. Vingt neuf secondes de la fin, but de son équipe. Elle passe devant « Il ne faut pas le prendre, il ne faut pas le prendre... » répète-t-il alors comme un mantra. Coup de sifflet final, son équipe, le club français, a gagné. Il recommence à vivre.

Et il prend la femme à témoin : « C'est énorme, tu ne te rends pas compte, mais c'est vraiment énorme ce qu'ils ont fait ! » Mais iI faut qu'il partage avec quelqu'un qui comprenne réellement la situation. Alors il appelle son fils. Véritable clone de son père, celui-ci a vécu le match de la même façon dans une autre ville. Comme lui, il a commenté tout haut, comme lui il s'est crispé de plus en plus, comme lui il s'est levé pendant la dernière minute, comme lui il a esssayé d'insuffler son énergie aux joueurs et comme lui il s'est rué sur le téléphone pour partager. 

Le lendemain tous les deux feront un détour pour acheter l'Équipe et revivre le match une dernière fois.

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samedi 8 octobre 2011

L'homme qu'elle aime

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Justement, elle oublie parfois de le lui dire, qu’elle l’aime.

Comme on tombe d’une falaise, un jour elle est tombée amoureuse. Elle ne le connaissait pas vraiment mais c’était celui qu’elle attendait et elle a décidé de faire sa vie avec lui. Bien longtemps et des enfants après, lui seul sait encore faire briller ses yeux d’un mot glissé à l’oreille ou la faire sourire d’un seul regard.

Souvent ils sont séparés. Lorsqu’elle rit et qu’elle s’amuse sans lui, elle pense déjà à comment elle le lui racontera. Mais parfois elle se sent seule. Alors elle lui envoie un texto sur son portable. Toujours il lui répond, deux ou trois mots seulement, mais cela suffit. Puis il revient. Et tout recommence. Quelques fois, quand elle entend parler d’un accident à la radio, elle se fait peur, elle se dit qu’un jour il pourrait ne plus rentrer. Puis vite, vite, elle écarte ces pensées folles. D’ailleurs elle entend la porte d’entrée s’ouvrir. C’est lui. Il vient l’embrasser.

Aujourd’hui, c’est un jour spécial, c’est son anniversaire. Alors elle lui a écrit ce petit billet, rien que pour lui.

Juste pour l’homme qu’elle aime.


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jeudi 6 octobre 2011

Histoire de pub.

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Grrr ! La boite à lettres en est encore pleine. Elle en a assez. Cela passe directement au sac de recyclage. Elle râle contre ce gaspillage et se promet de coller un signe sur sa boîte. Elle sort et aperçoit devant chez elle un diable avec tous ces cadeaux empoisonnés prêts à être distribués. Le coupable pollueur ne doit pas être loin. L'homme pub sort en effet de l'immeuble voisin. Elle l'interpelle et lui demande de ne plus mettre tous ces papiers dans sa boîte. Elle lui explique qu'elle ne les lit jamais et les met directement à la poubelle. Puis elle réalise ce qu'elle est en train de faire. Elle vient de lui jeter à la figure que son travail, pour lequel il fait des kilomètres à pied tous les jours, ne sert à rien. Elle vient de lui dire que, non seulement ce qu'il fait est inutile et génère de la pollution, mais qu'en plus il fabrique une armée de mécontents.

Elle est gênée tout à coup et essaie de se rattraper un peu. Oui, elle comprend, ce n’est pas de sa faute, elle ne le vise pas personnellement… Mais le mal est fait. Elle est très mal à l’aise. Lui, endurci par la vie et par une société dont il n’attend peut-être plus grand chose, semble s’en moquer. Mais elle y pensera encore pendant la journée, fâchée contre elle-même et contre l’absurdité de ce système qui la fait culpabilser pour avoir dit à un homme que son travail honnête était inutile et polluant.


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lundi 3 octobre 2011

Pour un lundi...

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Mais comment résister à ce fou rire de Lucky Luke et de Jolly Jumper ?!    

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samedi 1 octobre 2011

Solitude

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Un quartier populaire à Paris, un dimanche matin.

L'été a oublié de finir et pourtant le calendrier dit que c'est déjà l'automne. On le sait, on le sent. L'air n'est pas le même et le soleil est déjà moins éclatant, la lumière plus blanche. On fait comme si, mais on sait bien que c'est un sursis, et que bientôt il faudra sortir les pulls et les manteaux. 

La plupart des parisiens font vite leurs courses pour profiter après de cette belle journée. Une vieille dame est à la caisse d'une crémerie du quartier. Elle n'a pas l'air pressée. Le magasin est clair et largement ouvert sur la rue. Ce n'est pas une de ces boutiques où il faut se faufiler à travers des caisses et des présentoirs. Ici on n'a rien à cacher et on est même fier de ses produits. On est invité à entrer et à regarder, même si on n'achète pas.

La vieille dame est venue faire ses courses de la journée ou peut-être de la semaine. Elle a l'air frêle et fragile dans sa tenue stricte et classique. Ses chaussures noires à petits talons carrés sont de celles que l'on fabriquait hier ou même avant-hier avec un cuir dur et raide et qui sont inusables. La matinée est déjà avancée. Elle aurait pu venir plus tôt pour ne pas attendre mais elle doit avoir envie de voir du monde. Cela ne va pas très fort, on dirait.
« Il faut sortir, allez, venez me voir, on parlera »  La crémière qui s'adresse à elle est rose et blonde. Elle fait penser à Gervaise, celle de l'Assommoir. Mais une Gervaise qui aurait bien tourné, dans une autre vie. 
« Et puis, il faut voir vos amis »  
« Ils sont tous morts mes amis ». Mais Gervaise-crémière n'abandonne pas et spontanément laisse parler son coeur. 
« Il ne faut pas rester toute seule comme cela, venez me voir dans la semaine et nous prendrons le thé ensemble ». Elle lui répète plusieurs fois et semble sincèrement émue de cette triste solitude.

La vielle dame s'éloigne de cette démarche un peu incertaine qu'ont souvent les gens âgés. Mais aucun sourire n'éclaire son visage. On dirait qu'elle n'a pas vue cette main tendue si généreusement. C'est trop tard, elle est déjà murée dans son malheur et éloignée d'un monde qu'elle ne regarde plus. Le soleil brille mais il ne la réchauffe pas.

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dimanche 25 septembre 2011

Tu peux répéter ?

sourd

Cocktail parisien chez des amis. Du monde, pas de musique, juste le brouhaha des conversations. Les lèvres bougent, elle entend les sons mais ne comprend pas les mots (elle n'a bu qu'un seul verre). Elle fait répéter deux fois et ne comprend toujours pas. Elle s'en sort par une pirouette.

Pressentant que le plafond va bientôt lui tomber sur la tête, elle ne fait pas l'autruche et prend rendez-vous chez un spécialiste. La salle d'attente est beige et triste et elle est de plein pied dans le troisième âge. Elle pianote sur son téléphone pour calmer l'angoisse qui monte. Sa voisine lui demande « Vous n'avez jamais de courbatures aux pouces ? » Elle a l'air gentille mais aujourd'hui elle n'a pas trop envie de lui répondre. C'est son tour. Quelques tests suffisent et le verdict tombe : surdité à 30% et à 35%. Noooon ! Elle était juste blonde, la voici blonde et sourde ! Elle est assommée. Le médecin finit sa besogne en ajoutant « C'est une courbe typique de la surdité de l'âge...» Raaaagh ! Elle tombe raide. Il vient de lui enfoncer un pieu dans le coeur. Elle le déteste. Elle est blonde, sourde et vieille. C'est épouvantable. Et cela lui tombe dessus comme cela, tout d'un coup, sans crier gare. 

Décidée à sauvegarder ce qui peut l'être encore, la petite vieille sourde qu'elle est devenue en quelques minutes file en vélo (au moins elle gardera de jolies jambes) chez l'audioprothésiste. Ici les locaux sont petits mais modernes et lumineux. La salle d'attente donne sur une petite place animée. L'homme de l'art est jeune, charmant et a de magnifiques yeux bleus. Elle a toujours eu un faible pour les yeux bleus. Il n'empêche, elle a envie de s'enfuir en courant. Sa blonde de fille qui l'a rejointe sait trouver les mots pour la calmer.

Quelques temps après, ça y est, elle a un truc d'espion dans l'oreille, elle est ap-pa-reil-lée. Elle le voulait fun, rose ou rayé mais il n'y a pas, il parait. C'est tout petit et invisible et en fait, ce n'est pas tant l'objet lui-même qui dérange, que l'idée qu'on s'en fait. Mais quand même, entre son sonotone, oups ! pardon, entre son aide auditive et elle, ce ne sera jamais une histoire d'amour. Et ils se préparent toutefois à une longue vie commune sans séparation possible. Pfff, déprimant.

Heureusement il sait se faire oublier. Ainsi, quelques jours après, elle le cherche partout. N'étant pas très ordonnée de nature, elle n'a pas encore pris l'habitude de le mettre toujours à la même place. Moment d'angoisse car ce petit gadget vaut quand même une fortune (merci pour ceux qui veulent lui envoyer un chèque mais sa mutuelle a couvert les frais). Après quelques instants de recherches frénétiques, elle s'aperçoit qu'il est... à sa place, à l'oreille !

« Elle est blonde, sourde et en plus elle perd la tête »

Pas la peine de chuchoter derrière son dos, elle vous entend parfaitement ! 

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jeudi 22 septembre 2011

La petite robe rouge...

rouge-paillettes3

Elle est invitée à une soirée à Londres et il faut être habillé en rouge. Elle a bien une robe qui ferait l'affaire mais elle est désespérément ennuyeuse. Alors elle cherche sur eBay et trouve juste ce qu'il lui faut à un prix ridiculement bas. Elle hésite puis décide d'oublier juste une fois son image sage et raisonnable. Elle l'achète. 

Le soir venu, elle se prépare mais a encore un doute. L'homme de sa vie n'est pas là pour la rassurer, il la rejoint là-bas. La robe est courte, moulante et clinquante. Elle a ajouté de hautes bottes à talons et s'est peinte les lèvres en rouge. Elle ne se reconnait plus. Pour un soir elle s'est glissée dans le rôle d'une femme sexy mais vulgaire et ne sait pas trop si c'est une bonne idée. Mais il est trop tard pour changer d'avis, elle n'a rien apporté d'autre. Il faut y aller.

Finalement elle n'est pas la seule à être sortie du moule et la soirée est un peu folle. Quand l'homme qu'elle aime l'aperçoit, elle voit briller au fond de ses yeux une petite lumière et il lui chuchote des mots doux à l'oreille. Puis, elle danse, elle s'amuse beaucoup, et elle oublie sa tenue.

Mais en partant, un de ces fils, présent à la soirée, lui glissera en l'embrassant « Tu es très jolie maman mais, dis, tu ne la remettras pas, cette robe ? » 

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lundi 19 septembre 2011

Passage en gares

gare du nord

Les gares parisiennes sont de formidables monuments de fer et de verre, fantastiques souvenirs d’une époque industrielle révolue : gare Saint Lazare, gare de Lyon, gare du Nord ou encore l’ancienne gare d’Orsay, monstre de démesure sur les bords de Seine et qui faillit bien être démolie il y a quelques décennies. Qu'elles sont belles ces gares parisiennes ! Et aujourd’hui comme hier, toujours en perpétuelle agitation. On y a l’impression que, quoiqu’il arrive, les passagers continueront à circuler dans une ronde sans fin, comme dans une gigantesque salle des pas perdus. Parcourues par des passagers pressés et stressés ou par des passagers ayant le temps de musarder un peu, en surface, les gares sont fascinantes. Mais en sous-sol, lorsqu’elles se doublent d’une correspondance RER et de nombreuses lignes de métro, tout change. C’est alors brutal et moderne, on ne retrouve plus ce charme de l’étage supérieur. Faites d’acier, de néons et de portillons automatiques, tout y est rationnel, pratique et… déconcertant. 

 Gare de Lyon, elle arrive de sa province en TGV et tire sa valise à roulettes, accessoire indispensable pour être admise dans la confrérie des voyageurs. Direction Londres via la gare du Nord. Elle s’enfonce vers les sous-sols. Elle l’air de savoir où elle va mais elle est toujours mal à l’aise dans l’univers froid et blafard de cette station RER qu'elle n'a jamais réussi à apprivoiser. Et pourtant ce n’est pas faute de pictogrammes, de flèches et de lettres de toutes les couleurs. Il y en a trop, on ne sait plus où regarder. 

 « Pardon Madame, je cherche un train pour l’Auvergne » C’est une charmante grand-mère, tirant elle aussi l’accessoire requis, qui l’aborde pour lui demander cela. À l'heure actuelle elle doit être arrivée en Auvergne, mais après, la femme rit doucement en repensant à sa question. Elle avait l’air gentille et douce et elle faisait surement des confitures et gâtait ses petits enfants à Noël. 

 Mais fallait-il qu’elle soit désemparée devant cette débauche d’informations pour lui poser la question de cette façon ?! Heureusement, en chacun de nous sommeille un bon samaritain enclin à aider plus démuni que soi. Quelques fois le service requis est plus difficile à comprendre, tel le cas de cet asiatique perplexe devant une passagère à la porte d’un wagon. Pourtant, une valise grosse comme une maison, trois marches et une jeune fille souriante qui fait des signes, c’est international, non ? La femme n'est pas témoin de la fin de l’histoire, mais le voyageur a surement fini par comprendre. 

 Elle arrive finalement à la gare du Nord, elle passe la grille qui sépare le voyageur ordinaire du voyageur international qu'elle est, puis elle repère un Paul, enfin elle retrouve des valeurs sures ! Munie d’une salade (il faut rentrer dans la petite robe ajustée qu'elle met le soir) et d’une tarte aux pommes (hélas ! elle est faible) elle va pique-niquer sur le balcon qui domine la gare. Elle attend son Eurostar en admirant la beauté de la charpente et en observant au calme les passagers qui s’agitent plus bas.

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jeudi 15 septembre 2011

« Et maintenant on va où ? »

et maintenant on va ou4

Un des bruns de la famille et moi décidons d’aller au cinéma. Pas rancunière je lui laisse le choix. La dernière fois, mal m’en a pris car nous sommes allés voir un navet interplanétaire, Le choc des Titans. Un film pop corn comme mon brun les appelle. Soit un film qui n’a d’intérêt que par les pop corn que l’on achète pour manger pendant la séance. Mon brun allait avoir du mal à remettre les pendules à zéro. Mais il l’a fait et de magnifique façon.

Nadine Labaki, ce nom vous dit quelque chose ? C’est vague ? Cherchez bien… Oui c’est cela, ce joli film il y a trois ans, Caramel. L’actrice réalisatrice et scénariste a récidivé avec Et maintenant on va où ? Le lendemain alors que j’écris ces lignes, je suis encore sous le charme.

L’action se passe au Liban dans un petit village qui a réussi à résister à la guerre fratricide que se livrent chrétiens et musulmans. C’est l’alliance des femmes du village pour résister et résister encore, pour lutter de toutes leurs forces afin que les hommes du village ne soient pas contaminés par cette haine aveugle qui détruit tout autour d’eux et remplit les cimetières d’hommes jeunes et qui étaient pleins d’avenir.

Et elles trouvent des solutions, pas la solution ultime mais elles essaient tout. Ces femmes sont fortes, déterminées, courageuses, pleines d’idées (quelques fois plutôt originales) pour arriver à leur fin et empêcher leurs hommes de prendre les armes. Elles sont toutes belles, ces femmes musulmanes ou chrétiennes, la plupart pour la première fois devant la caméra. Les émotions sont exprimées par de petits gestes, des regards ou carrément des coups de chaussures sur la tête au fils récalcitrant !

Car ne vous méprenez pas, c'est une tragédie, mais c'est aussi une comédie. La réalisatrice a dit en parlant des Libanais : « on a appris à dédramatiser les choses, à tourner en dérision notre malheur ». Alors on passe du rire aux larmes sans préavis. Et de nouveau du drame au cocasse. Vous rirez, vous pleurerez dans la même minute. Et puis, comme par effraction, la réalisatrice introduit également de la comédie musicale, émouvante ou entrainante. Il y a un incessant changement de rythme, à l’image de la vie de ces villageois qui s’en sortent comme ils peuvent dans ce pays en guerre. Et, aux dernières minutes, on comprend enfin le titre du film.

Dans le cinéma le public réagissait franchement, parfois la salle riait et parfois on sentait les gorges se serrer. A un moment Nadine Labaki pique une colère épouvantable, écœurée devant tant de gâchis et elle met tout le monde à la porte de son café. Sublime en femme amoureuse, elle est alors magnifique dans sa colère, une sorte de beauté sauvage qui ne supporte plus cette tension perpétuelle.

Ce film est fabuleux, les dialogues sont savoureux, les émotions sont vraies et la musique est envoutante. Au festival de Cannes, il a eu la mention spéciale du Jury Oecuménique et le prix François Chalais, mais on s’en moque un peu. Allez le voir, vous ne le regretterez pas : vous rirez, vous pleurerez et je suis sûre que vous l'aimerez.

 

 

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le film sur allociné.com  
une critique

 

 

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Ce grand-père là

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Le grand-père dont je vous parle est un homme calme et discret.

Son père, son grand-père et tous les hommes de la famille sont des marins pêcheurs. Alors on ne lui demande pas son avis et à quatorze ans, il doit quitter l'école pour suivre leurs traces. Et il part à Terre-Neuve. Il fait froid là-bas et c'est loin. Le travail est dur. Mais il nait à une époque où on dit : « Sois un homme, ne pleure pas ! » Alors il ne dit rien. Plus tard quand les bateaux de pêche commencent à se faire rares, ce sera la marine marchande avec l'Afrique et ses côtes lointaines, puis les ferrys qui traversent la Manche, et enfin la navigation sur la Seine. Il ne reste jamais loin de la mer. 

Le grand-père dont je vous parle a de grosses et larges mains. Elles ne sont pas très belles, ces mains. Elles ont aimé, elles ont caressé et elles n'ont jamais frappé, ces mains. Elles ont aussi beaucoup travaillé et lui ont toujours obéi. Aujourd'hui, il a du mal parce que l'une d'elle ne veut plus obéir justement. Il se débrouille mais il est triste car il a dû arrêter de conduire. Il a appris très tard dans sa vie et il aimait bien cela. Ses parents, eux, n'avaient jamais eu de voiture.

Le grand-père dont je vous parle n'est pas bavard, il est ce qu'on appelle un taiseux. Ses petits enfants aiment le faire raconter mais ce n'est pas toujours facile. Il faut être patient et avoir du temps. Quelques fois, ses yeux se plissent et son nez remue un peu, on sait alors qu'il va dire une plaisanterie qu'il a longuement médité. Et on rit de ce qu'il dit, mais aussi de voir son plaisir.

Aujourd'hui, c'est son anniversaire. Peut-être ses enfants, ses petits-enfants y penseront et lui téléphoneront. Il n'en dira surement rien mais cela lui fera plaisir. Et il aura un petit sourire en coin en penchant la tête. 
Le grand-père dont je vous parle est un homme calme et discret.

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samedi 10 septembre 2011

Brève rencontre.

feux


Il faut chaud, la vitre est baissée et elle attend que le feu passe au vert.

« Vous avez une jolie voiture, Madame ! » Elle tourne la tête. Elle habite une petite ville de province oû on parle encore facilement à des inconnus. Une voiture est rangée à coté de la sienne et c'est le passager qui l'a interpellée.  Le garçon a une bonne tête et un visage ouvert. Ses dents sont mal rangées, il lui en manque une en bas. Cela lui donne un petit air pas sérieux. Il doit avoir une vingtaine d'années. Elle sourit et dit merci. 

« J'aimerais bien pouvoir m'en payer une comme cela un jour ».
Ses yeux brillent d'une envie de gosse devant un paquet de bonbons, il trouve la voiture jolie et le dit, c'est tout. Celle dans laquelle il est est plutôt mal en point et a un gros autocollant sur la portière. Elle lui répond qu'à son âge, elle en avait rêvé aussi mais qu'à l'époque, elle ne pensait pas que cela se réaliserait.

«Vous travaillez Madame ? Vous faite quoi ? Médecin ? »
Elle est mal à l'aise pour lui répondre que, non, elle ne travaille pas. Mais il semble ne pas lui en vouloir. 

« Alors, c'est votre mari qui travaille ? » Il rit. Il est content de sa blague. Le feu passe au vert, elle lui sourit une dernière fois, démarre et la conversation s'interrompt. L'autre jour, c'était un petit vieux libidineux qui lui avait fait des propositions en soit-disant admirant la voiture. Et elle avait remonté sa vitre. Mais là, elle a trouvé ce bref échange sympathique et la spontanéité du garçon était plutôt touchante.

Oh, zut, elle a oublié de tourner et elle est à nouveau coincée à un feu rouge...

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jeudi 8 septembre 2011

Les pierres.

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Une nuit, pendant qu'elle dort, un crabe lui pince la poitrine. Elle a un peu mal et surtout très peur. Elle prend une pierre et tue le crabe, cette sale bête. Pendant longtemps, après, elle dort une pierre à la main. Au fil des jours elle oublie un peu et lâche la pierre

Puis hier, une autre petite bête vient lui tourner autour. Ce n'est pas le crabe, elle l'a tué. Mais elle l'ennuie et lui fait un peu peur. Alors elle reprend la pierre et l'écrase.

Et puis son chien, vieux et malade, meurt. Et elle se met à pleurer. Elle est fatiguée tout d'un coup, triste et découragée. Elle trouve que cela fait beaucoup à la fois. 

Mais un bruit lui fait relever la tête. Elle est prête à frapper de nouveau. Cette fois ce sont ses enfants, son mari et ses amis. Ils ont chacun une pierre à main et se mettent autour d'elle.

Elle sourit, se relève et les embrasse.


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lundi 5 septembre 2011

Un blond qui voyage.

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L'un de nos deux blonds est invité à un mariage. Alors il met son beau costume et part à la gare. Là, il monte dans un train. Il n'a pas de place assise et se contente d'un strapontin. Le paysage défile. Notre blond rêvasse en tapotant sur son blackberry. Une contrôleuse SNCF, dans son joli uniforme Christian Lacroix, lui demande son billet. Et là, patatras ! La bulle de tranquilité éclate. Notre blond, distrait, s'est trompé de train. Il est parti pour la gare de Lyon, alors qu'il allait... à Lyon. Oui, oui, l'horaire était différent, oui c'était un TGV et non un TER, oui c'était noté sur le wagon... Mais voilà, il était sur pilote automatique et n'a pas vu tout cela. 

À quoi rêvait-il notre blond ? Aux amis qu'il allait retrouver à ce mariage ? Au stage qu'il venait de décrocher à Londres ? Où encore à la jolie fille qu'il venait de croiser ? Je ne sais pas mais la contrôleuse a eu beaucoup d'empathie pour notre distrait. Il n'a pas eu d'amende et n'a pas payé de surtaxe. Peut-être a-t-elle été émue par ce jeune homme qui réalisait tout à coup avec effarement l'étendue de son erreur. Et elle n'a pas voulu gâcher complètement sa journée. 

Il arrivera quand même à Lyon, mais un peu plus tard que prévu. Inutile de dire que ses amis ont bien ri de lui et de sa mésaventure. Quelques années auparavant, sa blonde de petite soeur était aussi montée dans le mauvais train qui l'avait enmenée sans pitié à l'autre bout de la région. Le contrôleur, bonhomme, avait fait preuve de la même mansuétude.

Sous l'uniforme, il y a donc un coeur qui bat et qui a quelquefois pitié des rêveurs blonds et distraits.



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jeudi 1 septembre 2011

Une blonde, un melon et une décapotable

melon

Elle vient d'aller faire vite deux ou trois courses pour le dîner et les pose dans le coffre de sa petite décapotable. Puis elle se dit que c'est une belle soirée et décide d'ouvrir le toit.

Mais le mécanisme se bloque à mi chemin. C'est une voiture très sophistiquée et cela ne doit pas arriver. Elle est désemparée. Elle ne peux plus ni ouvrir ni fermer. Elle regarde et découvre que le petit melon bien mûr qu'elle vient d'acheter est le coupable. Il a roulé sous les articulations et coince le mécanisme. Elle est bien embêtée. Sa jolie bombinette a l'air d'un bel oiseau avec une aile cassée. Elle cherche à le bouger mais elle n'a qu'une brosse à dent comme instrument. Des tas de solutions lui traversent l'esprit mais elle les écarte toutes. Elle va se débrouiller seule. Il lui faut un couteau, elle va trancher dans le vif et éviscérer ce melon récalcitrant. 

L'employé du magasin à qui elle va le demander veut voir le problème avant de prêter l'instrument du meurtre. Il touche à peine au melon bloqueur et la blonde (oui, c'en est une) a peur qu'il se fasse cisailler les doigts. Il lui conseille alors de réessayer de fermer le toit (forcément elle n'y a pas pensé puisque c'est une blonde !) Miracle, cette fois-ci cela fonctionne. Elle remet de l'ordre dans son coffre, ouvre son toit et remercie son sauveur qui n'a rien fait mais aura une bonne histoire de blonde à raconter. Celui-ci et deux spectateurs qui ont regardé la scène lui sourient lorsqu'elle démarre. D'un sourire pas trop goguenard car la voiture est vraiement jolie et la blonde pas trop blonde finalement.

Le melon saboteur, qui a déjoué une technologie de pointe, s'en sort finalement sans une égratignure mais sera quand même sacrifié au dîner.


 

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lundi 29 août 2011

Annecy, le lac, les pédalos et les sushis

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Annecy est entre nuages et soleil et il fait un peu froid en cet été finissant. Des arbres distraits s'y sont trompés et perdent déjà un peu leurs feuilles.

L'eau du lac est incroyablement transparente et claire. Il parait que le lac d'Annecy est un des plus propres d'Europe. En marchant sur le bord, tout près de l'asphalte et de la route, on distingue parfaitement les petits cailloux qui sont au fond. 

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 Le long de la rive sont alignés sagement des pédalos. Ils sont tentants ces pédalos, cela donne envie d'en louer un. Mais cela fait partie des désirs qu'il vaut mieux ne pas réaliser. Sinon, on se retrouve sur l'eau, un peu bête, à pédaler pour aller nulle part, juste pour pédaler. On a réalisé  trop tard un rêve de gosse et on regrette ne ne pas l'avoir laissé à l'état de latence. Certains souhaits sont fait pour être pensés mais non exaucés et une promesse de plaisir vaut autant que le plaisir lui-même.

Ce soir nous allons dîner dans un restaurant japonais. Oui, je sais, cette sushimania est un peu fatigante. Les sushis étant tendance depuis pas mal de temps, on trouve de tout et n'importe quoi (surtout n'importe quoi). Comme vous, je me suis lassée de cette cuisine japonaise réduite à sa plus simple expression et « revisitée » avec du nutella. Alors je n'étais pas très enthousiaste mais le restaurateur qui me l'avait conseillé l'était, alors nous avons tenté notre chance.

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Nous avons eu raison et je n'ai rien regretté, ni mon omelette à la chair de crabe et aux crevettes gelée de dashi, ni mes nouilles au thé vert dans un bouillon d'été et tempura de gambas ni enfin mon blanc-manger et glace au thé vert qui constituaient le menu découverte. Le chef venait de Kyoto et sa femme était française. La serveuse était fine et frêle et, avec mon petit mètre soixante, me donnait l'impression dêtre une armoire à glace. C'était un vrai japonais, non un chinois ou un coréen japonisé. J'y ai retrouvé là, non seulement le rafinement et la présentation que j'avais vus au Japon, mais aussi leur l'exquise politesse (ne pas confondre saluts et courbettes ; politesse et servilité). Et tout cela  pour la modique somme de 24€. Même pas le coup de bambou.



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mardi 23 août 2011

Lettre du 23 août : retour de plage.

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Ma petite tante,

 Les vacances sont finies et nous sommes rentrés hier. Comme les valises sont déjà rangées, j’ai un peu de temps à te consacrer.

 Je dois te raconter ma toute dernière après-midi de plage. 
La journée avait été parfaite mais hélas, le lendemain il fallait quitter l’île et rentrer. C’est en remontant le long raidillon d’accès qui menait à la voiture que je les ai aperçues. J’ai ralenti le pas pour observer le joli tableau qu’elles formaient. Petites filles blondes et toutes bronzées, elles avaient à peu près trois et cinq ans. Fatiguées par une après-midi de soleil, elles ne marchaient pas bien vite mais se tenaient par la main. J’ai entendu la plus grande dire à sa petite sœur : « …et puis quand on arrivera, on prendra le bain et je t’aiderai à dîner… ». 

On aurait dit des enfants modèles, des enfants témoins, tu sais, une sorte de publicité pour la famille, comme ces maisons témoins si parfaites qu’elles te donnent envie d’y vivre. Comme si ces petites filles si sages avaient été mises en scène pour t’attendrir et te convaincre que la vie est un long fleuve tranquille, paisible comme un champ de blé mûr et reposante comme la vue d’un lac de montagne.

A la maison, elles se disputaient sans doute : la grande faisait pleurer la plus jeune ou la petite chipait les jouets favoris de son aînée. Mais juste pendant ces instants là, on se serait cru dans les Petites filles modèles de la Comtesse de Ségur.

Je n’ai pas cherché à voir leur visage. Je suis restée sur cette image idyllique de la grande sœur qui aidait sa cadette fatiguée à oublier la raideur du sentier. Et j’ai emporté avec moi cette image d’Epinal, joli point d’orgue de ces vacances bretonnes.

 J’essayerai de passer un moment dimanche pour te faire une petite visite.

Je t’embrasse.

Ta nièce affectionnée

 

Florence

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mardi 16 août 2011

Lettre du 14 août : la petite danseuse

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Ma petite tante chérie, 

 Voilà bien longtemps que je ne t’ai écrit. Aujourd’hui c’est un peu triste car nous avons un temps très breton et la mer, brillante et éblouissante hier, semble être complètement plombée. Je suis allée courir sur la côte sauvage pour me changer les idées. Tout au bout d’une pointe de rochers abandonnée, j’ai joué à faire l’ange comme Kate Winslet dans Titanic. Mais une voiture qui est arrivée a cassé mon ambiance romantique. En rentrant, la brume s’était épaissie. Avec le bruit de la mer au loin, le cri de mouettes solitaires et la lande, il ne manquait que les cris d’Headcliff pour se croire dans un livre d’Emilie Brontë. 

Bon, allez, je m’égare. Je t’ai promis de te parler cette petite danseuse d’Edgar Degas. Je l’ai revu à Boston au Museum of Fines Art. Je l’ai trouvée saisissante de réalisme. Cette fois-ci, le ruban de ses cheveux avait été changé pour nous montrer comment il était d’origine. Pour moi, ils auraient pu en faire autant avec la soie et le tulle de sa jupe.

 Mais je m’aperçois que je te raconte l’histoire en partant par la fin. Alors je t’explique. Ma science est toute neuve car l’histoire de cette petite danseuse de 14 ans m’a intéressée et je suis allée creuser un peu plus loin.

Donc Degas expose cette œuvre pour la première fois en 1881 et on ne peut pas dire qu’elle soit bien accueillie. Réactions de l'époque : « Nous voici face à un petit rat de l'Opéra crasseux, aux bas en tire-bouchon, les traits tirés, le menton obstinément levé, révélant un trop gros effort de maintien. » On l’accuse de représenter la petite fille de manière bestiale, on la compare à un singe ou un aztèque… On lui trouve un visage « où tous les vices impriment leurs détestables promesses, marque d'un caractère particulièrement vicieux ». Et comme la statue est en cire colorée à l’origine et que Degas a poussé le réalisme jusqu’à ajouter de vrais cheveux avec un ruban, un tutu et des chaussons, le tout dans un cage de verre, il se fait traiter en plus de taxidermiste. 

Wahou, il y a de quoi être un peu énervé ! Quelle agressivité, quelle hargne dans ces citriques ! On ne s’étonne pas si, après être vilipendé de la sorte, Degas ne veuille plus exposer ses sculptures de son vivant. En fait, il dérange tout le monde par son réalisme. Il faut dire aussi, qu'à cette époque, les danseuses évoquent un monde à part, un monde de license et de soirées hors du foyer familial et qu’il ne fait pas bon d’évoquer dans cette société guindée et tout en codes et règles rigides. Nous avons d'ailleurs retenu de ce temps-là l’expression « c’est sa danseuse » en parlant du hobby ruineux de quelqu’un... Les bourgeois-critiques ne font donc en fait que projeter la noirceur de leur âme sur cette petite danseuse de 14 ans. 

Quant à la pauvre fille qui sert de modèle, sa vie n’est pas aussi rose que son tutu (d’origine). Elle sèche les cours de danse, se fait renvoyer de l’Opéra et finit par se prostituer. Un schéma trop connu. À l’époque, une fille perdue a bien peu de chance de retrouver son chemin et n'a aucun filet de sécurité. Il n’empêche, je trouve que cette petite danseuse en bronze semble bien vivante. Elle donne l’impression d’être prête à s’échapper pour faire quelques pas… de danse.

Ma chère tante, je t’ai écrit une longue lettre mais c’était un sujet à tiroirs et je n’ai pu m’empêcher d’en ouvrir quelques uns.  

Ta nièce affectionnée

Florence

 

Ps : je n’ai pas pu porter ma lettre à la poste à temps (et de toutes façons avec le 15 août, elle ne serait pas partie) alors j’en profite pour la rouvrir et te dire qu’aujourd’hui il fait très beau et que nous allons tous ensemble à la pêche. 

                                                                      Degas pied  Degas pied2 

 

 

Degas sculpteur et le réalisme audacieux...

La saga Degas

Musée d'Orsay, Edgar Degas


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